Festival esclavage & cinéma à Toulouse :
vivre libre ou mourir
 

Dans le cadre du Temps des mémoires 2025, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et l’American Cosmograph s’associent pour proposer une série de films mobilisant l'histoire et la mémoire de l’esclavage.

L’imaginaire de l’esclavage a été largement façonné par Hollywood qui a contribué à mystifier le regard de spectateur. Ainsi, dans un premier temps, des films comme Jezebel de William Wyler (1938), Autant en emporte le vent de Victor Fleming (1939) ou encore L’Esclave libre de Raoul Walsh (1957) ont créé de toutes pièces un Vieux Sud idéalisé où propriétaires et esclavisés vivaient en paix dans un monde condamné à disparaître. Puis, à l’orée des années 1990, lorsqu’il s'est agi de ressusciter à nouveau le Vieux Sud, les scénaristes et réalisateurs revoient leur copie. Dans Glory d’Edward Zwick (1989) et Amistad de Steven Spielberg (1997), le bon maître s’efface au profit du sauveur blanc, personnage christique prêt à sacrifier sa vie en échange de la liberté de ses frères noirs. Enfin, depuis les années 2010, avec Django Unchained de Quentin Tarantino (2012), 12 Years a Slave de Steve McQueen (2013), The Birth of a Nation de Nate Parker (2015), il apparaîtrait qu’Hollywood peut désormais montrer de façon frontale toute la violence de l’esclavage et surtout la résistance active des esclavisés. Bien évidemment, une telle vision est fragmentaire et ne suffit pas à rendre compte de la diversité des imaginaires.

Tout au long de la semaine, les projections de Ultima Cena de Tomás Gutiérrez Alea (1976), Django unchained de Quentin Tarantino (2012), Mandingo de Richard Fleischer (1975) et Tamango de John Berry (1958) mettront en lumière des films rarement visibles et parfois méconnus, permettant ainsi de comprendre qu’une critique de l’esclavage a toujours été possible sur le grand écran. Ces films ont un point commun : ils racontent l’histoire au passé tout en faisant écho aux réalités du présent. Les conséquences de l’esclavage demeurant encore présentes dans nos sociétés.

Une programmation proposée par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et réalisée par Antoine Guégan
 
 

PROGRAMME DE LA SEMAINE DU 6 MAI AU 11 MAI 2025


Mardi 6 mai - 20h00

La séance sera présentée et animée par Antoine Guégan, historien du cinéma.

Ultima Cena, Tomás Gutiérrez Alea,

1976, Cuba, 1h49

Précédé par la projection du court-métrage Opo Taampu, Hugo Rousselin, 2024, 25 minutes

À la fin du XVIIIe siècle, lors des célébrations de la Semaine Sainte, un riche propriétaire terrien convie douze de ses esclaves à un banquet où il rejoue symboliquement le dernier repas du Christ. Entre bienveillance feinte et paternalisme condescendant, il leur prêche l'humilité et la résignation face à la souffrance. Dans l’euphorie du festin, il leur accorde des promesses de grâce et de liberté. Mais au matin, brutalement ramenés à leur condition par le contremaître et ses chiens, les esclaves refusent de croire à la supercherie. La révolte éclate, aussitôt réprimée dans une violence implacable. 

Afin de dénoncer la politique coloniale espagnole et la toute-puissance de l’Eglise, Alea a mis en scène une anecdote historique rapportée dans El Ingenio (« La Plantation », 1964), œuvre de l’historien cubain Manuel Moreno Fraginals. Ultima Cena s’inscrit dans le renouveau du cinéma sud-américain, marqué par une réflexion sur l’héritage colonial et l’esclavage.
 

  • Opo Taampu, Hugo Rousselin, 2024, 25 minutes


C’est une histoire inspirée de faits réels d'un village au cœur de la forêt guyanaise, fondé par des descendants d'esclaves, qui fait face à une menace d'expulsion. Sous la conduite de Marcus et Vivianne, les villageois se défendent avec détermination contre le propriétaire officiel. Mais la nature environnante va s'en mêler et proposer une piste imprévue.

 


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Jeudi 8 mai - 20h30

La séance sera présentée et animée par Antoine Guégan, historien du cinéma.

Django Unchained, Quentin Tarantino

2012, Etats-Unis, 2h47


L’histoire se déroule dans le Sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession. Le Dr King Schultz, un ancien dentiste allemand devenu chasseur de primes, rachète Django, un esclave. Schultz est à la poursuite des redoutables frères Brittle, et seul Django peut les identifier. En échange de son aide, Schultz lui promet la liberté et l’initie au métier de chasseur de primes, faisant de lui son partenaire. 

En 2012, lorsque Django Unchained sort en salles, Quentin Tarantino s’est vu reprocher d’avoir conçu son film comme un western spaghetti sur l’esclavage, preuve, selon ses critiques, de sa désinvolture à l’égard de l’Histoire. Parmi les plus sévères, Spike Lee, qui attaqua le réalisateur californien sur sa mise en scène et sur l’emploi abusif et répété du mot « n* word ». Toutefois, Tarantino interroge la mémoire cinématographique de l’esclavage et le réalisateur-cinéphile s’amuse à imaginer un autre Sud dans lequel les esclaves pouvaient se transformer en super-héros et se révolter victorieusement en massacrant leurs maîtres dans de très cinématographiques bains de sang.

En définitive, ce n’est pas tant avec l’histoire des Etats-Unis que joue Tarantino, c’est avec les films hollywoodiens qui ont établi les codes du mélodrame de plantation. En se réappropriant ces codes pour les subvertir, il livre une vision alternative du Sud esclavagiste dans laquelle le maniérisme de l’univers des westerns spaghetti devient le vecteur d’une Histoire alternative où la force du cinéma pourrait tout renverser, même l’empire du Mal absolu – l’esclavage ici, après le nazisme dans Inglourious Bastards (2009).                                          
 

 


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Vendredi 9 mai - 20h00

La séance sera présentée et animée par Antoine Guégan, historien du cinéma.

Mandingo, Richard Fleischer

1975, Etats-Unis, 2h07

En Louisiane, en 1840, Maxwell, un riche propriétaire terrien, impose à son fils Hammond un mariage avec sa cousine Blanche afin de préserver l'héritage familial. Mais lorsque Hammond découvre que Blanche n'est pas vierge, il la rejette et trouve du réconfort dans les bras d'Ellen, une jeune esclavisée qu’il a acheté. Blessée et humiliée, Blanche se venge en s'abandonnant à Mede, le lutteur noir favori de son époux. Lorsqu’elle tombe enceinte, Maxwell se réjouit à l'idée d'un héritier, mais la naissance de l'enfant révèle un secret impossible à dissimuler. Ce scandale éclate au sein de la plantation, entraînant une issue violente et tragique. 

Richard Fleischer pense Mandingo comme un film de rupture sur un sujet dont Hollywood a jusqu’alors toujours atténué la brutalité, comme il l’explique dans le magazine Street Life : « La première chose est que les conditions de vie dans le Sud sous l'esclavage étaient bien pires que ce que j'ai décrit. Ce qu'on voit à l'écran est une version édulcorée de ce qui s'est réellement passé. (…) Toutes ces choses terribles qui ont commencé avec l'esclavage sont toujours présentes dans notre société. » Peu réceptive, la presse est décontenancée par un film en totale rupture avec l’imaginaire traditionnel du Vieux Sud. Dans le New York Times, le critique Vincent Canby ira jusqu’à écrire que Mandingo « s'intéresse moins à l'esclavage que Gorge profonde à la thérapie sexuelle ». Mais tous ne partagent pas cet avis : la revue du Black Panther Party défend le film en affirmant que les critiques contre Mandingo sont des manœuvres du pouvoir et de l’establishment pour « tuer » un film qui dérange. Aujourd’hui, Mandingo est considéré comme l’un des plus grands films à aborder les questions raciales aux Etats-Unis.

 


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Samedi 10 mai - 16h00

La séance sera présentée et animée par Antoine Guégan, historien du cinéma.

Tamango, John Berry

1958, France/Italie, 1h38

Précédé de la projection du court-métrage Ici s’achève le monde connu d’Anne Sophie Nanki, 2022, France, 23 minutes.

Avant, Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutaïrou, venez découvrir le premier film français à dénoncer l’esclavage.

Bien que l'esclavage ait été aboli vers 1820, des navires négriers clandestins poursuivent leur commerce. Sur la côte guinéenne, un chef de tribu vend une cinquantaine de ses sujets contre du rhum et des fusils. Entassés dans les cales de l’Esperanza, les captifs subissent leur sort. Parmi eux, Aïché, maîtresse du capitaine, tente d’apaiser la tension. Mais Tamango, un esclave déterminé, organise la révolte. Malgré les supplications d’Aïché, convaincue que la répression sera terrible, lui et ses compagnons brisent leurs chaînes et attaquent l’équipage, prêts à se battre pour leur liberté. 

 

  • Ici s’achève le monde connu d’Anne Sophie Nanki, 2022, France, 23 minutes.
     

1645. Guadeloupe. Ibátali, indigène Kalinago épouse d'un colon français, entraîne Olaudah, captif africain en fuite, dans un périple où il peut perdre la liberté et la vie. Elle est prête à le sacrifier pour sauver sa peau. Mais leurs blessures les rapprochent. 

Cela suffira-t-il pour qu’ils deviennent autre chose que ce que la colonisation a décidé qu’ils seraient : une sauvage à exterminer, un Africain à esclavagiser ?

 


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COORDINATION

  • Antoine Guégan, historien du cinéma
  • American Cosmograph, Toulouse
  • Fondation pour la mémoire de l'esclavage

DATE : du mardi 6 mai au samedi 10 mai 2025

LIEU : Cinéma l'American Cosmograph, Toulouse

PUBLIC : Tous publics

TARIFS

  • Normal : 8€
  • Carnets des 10 entrées, non-nominatifs, valables éternellement au Cosmo et dans tous les Utopia : 55€ (soit 5,50€ la place)
  • Tarif réduit : 4,50€ (moins de 14 ans / mercredi : toute la journée / tous les jours : les séances avant 13h / mardi et jeudi : les séances après 21h)