RACISME ET ESCLAVAGE, une histoire liée

Pintura de castas con todas las 16 combinaciones, XVIIIe siècle,
© Museo Nacional del Virreinato, Tepotzotlán, Mexico

Alors que le gouvernement français a présenté le 30 janvier 2023 son nouveau plan pluriannuel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sur l’origine pour la période 2023-2026 , la Fondation pour la mémoire de l’esclavage a décidé d’appuyer cette démarche en produisant, à destination du public général et des acteurs publics et privés engagés dans la lutte contre le racisme et les discriminations, une note scientifique explorant les liens entre racisme et esclavage dans l’espace français.

Ces liens sont une conséquence du fait que l’esclavage, dans toutes les sociétés où il est pratiqué, produit des stigmates qui pèsent non seulement sur les personnes esclaves, mais aussi sur celles qui ont été affranchies et sur leurs descendants, souvent sur plusieurs générations. C‘est notamment le cas dans les traites esclavagistes visant des populations africaines, dont l’histoire dépasse largement le cas de la France, objet de la présente étude. Néanmoins, afin de replacer le cas français dans le contexte plus large où il est apparu et s’est développé jusqu’à nos jours, des focus thématiques proposent un regard sur l’expérience d’autres sociétés marquées par l’esclavage des populations africaines et de leurs diasporas.


En 2020, en France, les personnes issues des outre-mer et de l’Afrique subsaharienne forment le groupe qui déclare le plus avoir été victime de discriminations en raison de l’origine. Ces discriminations sont fondées sur des stéréotypes et des préjugés sur les personnes noires, qui s’inscrivent dans l’histoire longue de la colonisation et de l’esclavage dans l’espace colonial français. Cette note de la FME vise à éclairer le lien entre cette histoire et celle de la formation de l’idéologie raciste en France.

En effet, si l’esclavage est un phénomène qui concerne tous les continents et toutes les époques, la mise en esclavage des populations africaines dans les colonies européennes à partir du XVe siècle a progressivement créé des représentations alimentant de fortes hiérarchies sociales.

Dans les colonies françaises esclavagistes, le « préjugé de couleur » érige une puissante barrière sociale construite sur l’ascendance esclave supposée des personnes. Après la première abolition sous la Révolution puis son rétablissement en 1802, les discours des savants naturalistes qui classent l’humanité en « races » servent à justifier scientifiquement le maintien des hiérarchies coloniales.

Cette « science des races » a accompagné la seconde colonisation au XIXe siècle, désormais justifiée par une prétendue mission civilisatrice des « races supérieures » vis-à-vis des « races inférieures », au bas desquelles étaient classées les personnes noires essentialisées.

Dans l’espace colonial français, cette construction a été contestée par de nombreuses figures intellectuelles issues notamment des Caraïbes, de l’Afrique et des Amériques. Elle a été officiellement condamnée par les Nations Unies après 1945.

Mais cette condamnation n’a effacé ni l’empreinte du préjugé de couleur dans les sociétés postesclavagistes, ni les stéréotypes, portant sur des caractères physiologiques ou culturels, qui participent à inférioriser ou discriminer les personnes perçues comme noires.

Les auteur.ice.s de la note

Cette note a été élaborée par des membres du Conseil Scientifique de la FME. Composé de 40 experts sous la présidence de Romuald Fonkoua, le Conseil Scientifique apporte son expertise à l’équipe de la Fondation pour la production et la diffusion des savoirs sur l’esclavage et ses héritages. 

Aurélia Michel
Historienne, maîtresse de conférences
Université Paris Cité, CESSMA

Magali Bessone
Philosophe, professeure des universités
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Catherine Coquery-Vidrovitch
Historienne, professeure émérite des universités
Université Paris Cité

Romuald Fonkoua
Professeur des universités en littérature comparée
Sorbonne Université

Jean Hébrard
Historien,Inspecteur général honoraire de l’Education nationale
EHESS, Mondes américains-CRBC

Jean Moomou
Historien, professeur des universités
Université de Guyane

Dominique Rogers
Historienne, maîtresse de conférences
Université des Antilles

Ibrahima Thioub
Historien, professeur émérite
Université Cheikh Anta DIOP