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Suzanne Roussi Césaire Visu RS
©FME
Genre
Femme
Naissance
1915
Décès
1966
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Suzanne Césaire, Suzanne Roussi

Le 16 mai 1966, disparaissait Suzanne Roussi-Césaire, intellectuelle martiniquaise qui fut aussi l’épouse d’Aimé Césaire avec lequel elle fonda notamment la célèbre revue Tropiques.


Née le 11 août 1915 aux Trois-Îlets en Martinique, elle est l’auteure d’une œuvre brève mais fulgurante, dans laquelle elle développe une réflexion anticolonialiste invitant les Antillais à renouveler leur mode d’existence politique et poétique. Sa pensée, longtemps occultée, attire aujourd’hui de nombreux chercheurs.


Suzanne Roussi est la fille d'un pharmacien et d'une institutrice. Elle étudie d’abord à Toulouse, puis intègre l'École Normale Supérieure à Paris, en 1936. Elle y fréquente le poète guyanais Léon-Gontran Damas, la future avocate et députée Gerty Archimède et le poète sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ils lui présentent le poète martiniquais Aimé Césaire, qu’elle épouse l’année suivante. En pleine effervescence du mouvement politique et culturel de la Négritude, Suzanne Roussi-Césaire participe à la rédaction de la revue L'Étudiant noir, créée par Aimé Césaire en 1935. En 1939, les Césaire rentrent en Martinique pour enseigner au lycée Schoelcher à Fort de France. Aimé Césaire publie la même année la première édition, encore confidentielle, de son Cahier d’un retour au pays natal.


En 1940, l’amiral Georges Robert, administrateur colonial, se rallie au Maréchal Pétain et place les îles de Martinique, Guadeloupe et Saint-Barthélémy et la Guyane sous l’autorité du régime de Vichy. S’ouvre alors la période de la “dissidence” qui voit le départ des Antillais pour la France libre. Les Césaire décident de rester en Martinique, mais d’y affirmer leur indépendance. En 1941, ils fondent avec René Ménil et d’autres intellectuels antillais la revue Tropiques, qui sera plus tard soutenue par les surréalistes André Breton et Wilfredo Lam.


Suzanne Roussi Césaire y publie sept articles rassemblés en 2009 par l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin dans le recueil Le Grand Camouflage. Écrits de dissidence (1941-1945). Elle y développe une réflexion théorique au croisement de la pensée critique de l’ethnologue allemand Léo Frobenius et du philosophe Alain. Elle y défend aussi l’émergence aux Antilles d’une “poésie cannibale” et surréaliste, en rupture avec la tradition doudouiste des écrits coloniaux. Ainsi, dans son article “Misère d’une poésie”, elle invite à décoloniser la nature et le corps caribéen, à politiser le corps féminin, en particulier. Cet appel à une émancipation esthétique est aussi un appel à un nouveau mode d’existence politique. Plus largement, Suzanne Roussi Césaire y réclame une “lucidité totale” des Antillais face à l’assimilation coloniale. L’heure est au renversement subversif d’une condition subalterne désormais affranchie de ses empêchements. En 1943, la censure tombe sur la revue Tropiques. Répondant avec le reste de la rédaction au censeur vichyssois qui l’accuse de racisme et se drape dans le souvenir de Victor Schoelcher pour condamner la revue, elle signe une lettre fulgurante aux accents très actuels.


En 2021, l’universitaire martiniquaise Anny-Dominique Curtius, en poste à l'université de l'Iowa, consacre une étude monumentale à ses écrits, avec Suzanne Césaire. Archéologie littéraire et artistique d'une mémoire empêchée, dans laquelle elle analyse la façon dont son souvenir et son œuvre ont été petit à petit effacés après sa mort en 1966, éclipsés par la notoriété d’Aimé Césaire. Une méconnaissance qu’elle explique « par l’absurde destin des intellectuelles caribéennes », des sœurs Nardal à Amy Jacques Garvey, journaliste et éditrice jamaïcaine, également épouse du militant nationaliste noir Marcus Garvey, enfermées dans une « dynamique du silence » fondée sur la « rhétorique de la réserve et de l’évitement ».


En 2015, pour le centenaire de sa naissance, Daniel Maximin rend hommage à Suzanne Roussi Césaire avec la création théâtrale “Suzanne Césaire, fontaine solaire”, mise en scène par l’homme de théâtre burkinabé Hassane Kassi Kouyaté. Une rencontre Antilles-Afrique que Suzanne Roussi Césaire appelait de ses vœux.

Sources d'informations

Pour en savoir plus :


“Suzanne Césaire, fontaine solaire”, captation du spectacle de Daniel Maximin, mise en scène d’Hassane Kassi Kouyaté au Tropique Atrium-Scène Nationale à Fort-de-France en Martinique : https://vimeo.com/227092351


Philippe Triay, entretien avec Anny-Dominique Curtius autour de l’oeuvre méconnue de Suzanne Roussi Césaire, pour Outre-mer la 1ère, le 22 janvier 2021 : https://la1ere.francetvinfo.fr/encore-peu-connue-l-uvre-de-suzanne-cesaire-decryptee-par-l-universitaire-anny-dominique-curtius-915133.html


Un autre avec Anny-Dominique Curtius, sur le blog de François-Xavier Guillerm : http://www.fxgpariscaraibe.com/2021/03/anny-dominique-curtius-et-suzanne-cesaire.html

Kara Rabitt, “Suzanne Césaire” (biographie et bibliographie) pour Île en Île, le 6 septembre 2006 : http://ile-en-ile.org/cesaire_suzanne/

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