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La Maison Gaston

Alchimie : processus de transformation physique du plomb en or. Au Moyen-âge, on considérait l’alchimie comme un croisement, une rencontre, une hybridation entre la science et la magie. La science affaire d’hommes, la magie affaire de femmes, de sorcières.

Pourquoi cette quête a-t-elle fait couler autant d’encre ? En fonction des civilisations et au fil des siècles, l’or, c’est de la lumière à l’état pur, la chair des Dieux, un éclat de soleil… Il est devenu le symbole de ce qui est désirable. Pourtant, la transmutation du plomb en or n’est pas vraiment une quête matérielle. Le protagoniste de L’Alchimiste de Paulo Coelho découvre que la véritable quête alchimique est intérieure.

Dans Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, Maya Angelou explore comment transformer les blessures personnelles et historiques en puissance créative : « Tu ne peux pas contrôler tous les événements qui t’arrivent, mais tu peux refuser d’être réduit par eux. » Les artistes présentées dans cette exposition sont des alchimistes des temps modernes, des magiciennes qui utilisent la matière de leurs vécus — souffrance, deuil, mémoire, pour créer sans relâche. 

Ce sont les épreuves traversées pendant l’enfance qui nourrissent la création de Florence Gossec, consciente d’être issue de la seule famille noire de sa campagne orléanaise, et des sœurs Bonnet, aux prises avec les secrets de leur famille. En revanche, c’est l’histoire qui alimente la démarche artistique de Karib, Mélissa Ruster et Adeline Chapin. L’histoire de leurs ancêtres, Kalinagos pour Karib, inconnus et rêvés pour Mélissa, bijoutiers pour Adeline Chapin. Leurs travaux comportent tous une part de rêverie, de suppositions, de transcendance. 

Ces artistes utilisent leur pratique pour se reconnecter à des histoires multiples, pour mieux les appréhender et continuer à les faire vivre. Les sœurs Bonnet, Karib et Adeline Chapin en font un travail quasi documentaire, s’appuyant sur des archives familiales ou historiques, tandis que Florence Gossec et Mélissa Ruster transfigurent leur vécu à travers une approche contemplative, où la répétition des gestes leur permet de s’oublier dans l’acte de création.

Dans toutes leurs démarches, l’éclat de l’or n’est pas synonyme de richesse ou de réussite, il est la preuve des douleurs traversées, le symbole éclatant de la transformation, de la transmutation des peines en croissance.

 

Un livre m’a accompagnée pendant la conception de cette exposition, et sa lecture a donné une nouvelle résonance à mes idées. C’est La résistance des bijoux. Contre les géographies coloniales d’Ariella Aïsha Azoulay. Théoricienne de la photographie, essayiste et cinéaste, l’autrice nous raconte son parcours pour se réapproprier son héritage.

 

Elle m’a permis de réaliser qu’au-delà de leurs démarches individuelles, ces six artistes nous poussent à réfléchir à notre façon de gérer la douleur et la peine. Pour Gaston Bachelard dans La poétique de la rêverie : « L’imagination transforme la douleur en beauté, elle fait de chaque blessure un éclat lumineux. » Elles ont choisi l’art pour le faire, mais nous avons notre propre parcours à créer. Par quelles voies allons-nous transmuter nos vies ?

 

48.9026301, 2.3970653