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Message du président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves

Depuis 2007, le 25 mars a été désigné par l’Assemblée Générale des Nations Unies « Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves ». Chaque année, tous les pays sont invités à se souvenir de cette histoire de quatre siècles qui a radicalement transformé le monde.

En nous invitant à méditer, ensemble, sur le sort des 12 millions de personnes déportées d’Afrique pour être exploitées dans les colonies européennes des Amériques et de l’Océan Indien, et sur le destin des dizaines de millions de femmes et d’hommes qui sont nés dans ce système qui les dépouillait de toute dignité, cette journée internationale nous rappelle leurs souffrances, leur résilience, leurs résistances. Elle nous rappelle comment, toujours, ils ont défendu leur humanité, même au plus profond de la nuit esclavagiste, et comment, aujourd’hui, leurs descendants participent par leur créativité à la richesse de nos sociétés.

Cette année, les Nations Unies nous proposent à l’occasion de cette journée particulière de réfléchir à ce thème : « Mettre fin à l'héritage raciste de l'esclavage : un impératif mondial pour la justice ». A l’heure où, depuis l’année dernière, nous voyons à travers le monde la plus importante mobilisation populaire contre le racisme et ses effets, ce combat doit mobiliser toutes les forces de nos sociétés : s’il est évidemment nécessaire de réprimer les discours et les actes racistes, et de développer des politiques publiques ambitieuses pour lutter contre les discriminations sur les origines, il est également essentiel de mobiliser les outils de l’éducation et la culture, pour mieux faire connaître cette histoire, pour mieux en faire comprendre les conséquences, pour en partager les héritages, à travers notamment les œuvres des artistes et des créateurs qui nous aident à saisir la complexité du monde.

Cette histoire mondiale est aussi française. Elle est inscrite dans les grands moments de notre récit national, dans notre géographie, dans notre culture, dans la diversité de notre population. Ce passé est notre héritage commun. C’est pourquoi il faut travailler à l’inscrire dans notre mémoire nationale : c’est le sens de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, dite « loi Taubira », dont nous célébrerons le 20ème anniversaire à l’occasion du Mois des Mémoires 2021. Alors que notre société est interpelée sur la persistance du racisme et des discriminations en son sein, ce moment de partage et de transmission est plus que jamais utile et nécessaire pour faire comprendre à tous nos concitoyens l’importance de ce passé et de ses conséquences.

Pendant plus de 300 ans, près de quatre millions d’êtres humains, hommes, femmes, enfants, ont été victimes de la traite et de l’esclavage dans l’espace colonial français. Les combats menés pour leur émancipation, dans les colonies comme en métropole, ont accompagné le projet républicain depuis l’origine, et continuent d’inspirer toutes celles et tous ceux qui se battent aujourd’hui pour l’égalité. Leur souvenir appartient à la nation toute entière, en même temps qu’à l’humanité, et c’est ce qu’exprimera le mémorial aux victimes de l’esclavage qui doit être prochainement érigé au Jardin des Tuileries. Je souhaite qu’il soit à la mesure de ce qu’a été cette tragédie à l’échelle de l’Histoire.

Paris, le 25 mars 2021

Jean-Marc AYRAULT