décret du 20 mai 1802, le rétablissement de l'esclavage par napoléon bonaparte

Le 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage dans le droit français.
En mars 1802, le Traité d’Amiens établit la paix entre la France et le Royaume Britannique. Le gouvernement britannique restitue les colonies françaises de la Martinique, de Tobago et de Sainte-Lucie, et la France retrouve sa capacité de projection maritime. Alors qu’il a secrètement racheté la Louisiane (1/3 de la surface actuelle des Etats-Unis) à l’Espagne, le Premier Consul Bonaparte rêve d’un nouvel empire français aux Amériques, en renouant avec le modèle économique en vigueur sous l’Ancien Régime, qui reposait sur la plantation esclavagiste.
C’est dans ce contexte que, le 20 mai 1802, Bonaparte fait acter par le décret-loi du 30 Floréal an X le maintien de l’esclavage dans les colonies restituées, où, étant sous occupation anglaise, l’abolition de l’esclavage votée par la Convention le 4 février 1794 ne s’est jamais appliquée, ainsi que dans celles de l’océan Indien, La Réunion et l’Ile de France (aujourd’hui île Maurice), où l’esclavage s’est perpétué dans la pratique, les colons propriétaires esclavagistes ayant réussi à faire échec à l’abolition décidée par la Ière République.
Ce décret-loi de rétablissement de l’esclavage a été débattu dans les assemblées du Consulat. Il est adopté avec un nombre significatif de votes hostiles (54 pour et 27 contre au Tribunat, 211 pour et 63 contre au Corps Législatif).
Au même moment à Saint-Domingue, l’expédition commandée par le général Leclerc, beau-frère de Bonaparte, a renversé Toussaint Louverture et s’apprête à l’arrêter pour le déporter dans l’Hexagone, au Fort de Joux où il mourra un an plus tard, dans l’isolement le plus complet. Mais la nouvelle du rétablissement de l’esclavage relancera à l’automne la rébellion contre les troupes françaises, qui seront vaincues le 18 novembre 1803 à Vertières, ouvrant la voie à l’indépendance de Haïti, première république noire de l’histoire mondiale, le 1er janvier 1804.
En Guadeloupe, les troupes commandées par le général Richepance venues rétablir l’ordre ancien dans la colonie se heurtent aux rebelles qui se sont soulevés à l’appel de l’officier métis martiniquais Louis Delgrès. La répression sera écrasée à la fin du mois de mai. Fidèles à la devise de la Révolution « Vivre libre ou mourir », Delgrès et ses troupes se suicident plutôt que de se rendre le 28 mai 1802. L’esclavage est rétabli dans les faits par Richepance à l’été, et dans le droit par un décret de Bonaparte le 16 juillet 1802.
Dans les colonies demeurées françaises, le rétablissement de l’esclavage s’accompagne de la mise en place d’une législation discriminatoire à l’égard des libres de couleur, plus dure que sous l’Ancien Régime : ils sont officiellement traités en sous-citoyens, et les mariages mixtes entre personnes blanches et personnes noires ou métisses sont interdits. Ce régime discriminatoire ne sera abrogé qu’en 1833, deux ans après l’interdiction effective de la traite en 1831. L’esclavage perdurera quant à lui pendant 46 années, et ce n’est qu’avec le retour de la République, en 1848, que l’émancipation pourra enfin s’imposer.
Pour en savoir plus :
Le dossier sur le site de la FME. Ce dossier contient un rappel historique, de nombreux documents d’archives, des ressources pour les enseignants, ainsi que des focus par territoires.
Pour une approche générale de la période : Frédéric Régent, La France et ses esclaves, Fayard, 2012.
A propos du statut ségrégationniste imposé aux libres de couleur des colonies : Jean-François Niort, Les Libres de couleur dans la société coloniale, ou la ségrégation à l’œuvre (XVIIe-XIXe siècles), Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, n° 131, 2002.
TEXTE INTEGRAL DU DECRET DU 20 MAI 1802
Texte du décret-loi du 20 mai 1802 autorisant la traite et l'esclavage dans les colonies restituées par le traité d’Amiens.
« AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier Consul, PROCLAME loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 30 floréal an X, conformément à la proposition faite par le gouvernement le 27 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.
DÉCRET.
ART. Ier Dans les colonies restituées à la France en exécution du traité d'Amiens, du 6 germinal an X, l'esclavage sera maintenu conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789.
II. Il en sera de même dans les autres colonies françaises au-delà du cap de Bonne-Espérance (note d'édition : Les Mascareignes, c'est-à-dire principalement La Réunion et l’île Maurice).
III. La traite des noirs et leur importation dans les dites colonies, auront lieu, conformément aux lois et règlements existants avant ladite époque de 1789.
IV. Nonobstant toutes lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront faits par le gouvernement. »