Acteur à la fois de l’abolition de l’esclavage et de son rétablissement dans deux territoires différents, Victor Hugues a marqué tout aussi fortement l’histoire de la Guadeloupe et de la Guyane. Pourtant, c’est son rôle de révolutionnaire abolitionniste qui a longtemps prévalu, comme en témoigne le roman d’Alejo Carpentier, Le Siècle des Lumières, masquant l’administrateur et le planteur esclavagistes qu’il fut dans la deuxième partie de sa vie.
Né à Marseille en 1762 dans une riche famille de la bourgeoisie marchande, ayant des intérêts et des établissements commerciaux à Saint-Domingue, Jean-Baptiste Victor Hugues s’engage d’abord dans la marine, pour s’établir lui-même à Saint-Domingue. Sur l’île, il intègre la franc-maçonnerie et publie un journal dans une ligne éditoriale révolutionnaire. Il quitte Saint-Domingue en 1791, et y perdra ses biens dans la révolution, et évolue dans les milieux jacobins : il est nommé accusateur public au tribunal révolutionnaire de Rochefort puis de Brest,
Par ses liens jacobins, Victor Hugues réussit à se faire confier une mission de haute importance, celle de reconquérir la Guadeloupe et les îles du Vent tombées aux mains des Anglais le 11 avril 1793 et y proclamer l’abolition de l’esclavage en y apportant tout à la fois le décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794) et la guillotine. Il débarque sur l’île le 7 mai 1794, et s’en rend maître de juillet à décembre 1794, en enrôlant notamment des libres de couleur et des esclaves, surnommés les « sans-culotte noirs », motivés par l’annonce de la liberté. En octobre 1794, les forces britanniques finissent par capituler et quittent la Guadeloupe.
Fort de sa victoire, Victor Hugues se lance dans la « libération » des îles voisines ; la Désirade et Marie-Galante. Il proclame la liberté générale le 11 décembre 1794. Son succès tient aussi à sa politique musclée envers les colons, dont beaucoup seront exécutés pour l’exemple. Marquée par la terreur révolutionnaire, le travail forcé des noirs libérés, et par une guerre de course très profitable à ses intérêts personnels, comme à ceux de sa famille et ses relations d’affaires, la gouvernance de Victor Hugues sur la Guadeloupe s’achève en 1798.
Rentré en métropole avec son épouse créole, une nouvelle mission ne tarde pas à lui être confiée, celle de rétablir l’ordre dans les plantations en Guyane, où il est nommé agent du Directoire en 1799, puis commandant en chef de la colonie. Victor Hugues impose le travail forcé, et applique habilement le projet de Bonaparte de rétablir l’esclavage par le système de la conscription de quartier, si bien que « l’esclavage était pratiquement rétabli sans grande secousse lorsque parvint le décret du 16 frimaire an XI (7 décembre 1802) » (F. Thésée). Refusant le décret, beaucoup de noirs décident de s’enfuir. Des expéditions punitives sous les ordres d’Hugues sont organisées contre ces marrons.
En développant les productions coloniales (sucre et café) de Guyane, en poursuivant comme en Guadeloupe la guerre de course, Victor Hugues en profite pour faire de nombreux investissements personnels : environ 1300 hectares de terres afin d’y établir une sucrerie, d’autres installations industrielles, ainsi que la construction d’une grande maison.
En 1809, la Guyane est envahie par les Portugais brésiliens. Vaincu, Hugues capitule et s’enfuit vers Bordeaux. Accusé d’abord de trahison et d’avoir privilégié la protection de ses plantations, il finit par être acquitté. Ses bonnes relations avec Talleyrand lui valent même une mission pour la Guyane pour la démarcation des limites entre la Guyane française et le Brésil en 1814. Victor Hugues récupère son ancienne plantation à Cayenne où il meurt le 12 août 1826 en affranchissant deux de ses esclaves.
Sources d'informations
Rodigneaux, Michel, Victor Hugues, l’ambition d’entrer dans l’histoire 1762-1826. Editions SPM, 2017
Rossignol, Philippe et Bernadette, « Victor Hugues et les Marseillais aux Antilles et en Guyane », Congrès généalogique de Marseille 2001, Généalogie et Histoire de la Caraïbe,http://www.ghcaraibe.org/docu/Marseille%202001.pdf
Géraud-Llorca, Édith. “Victor Hugues : La Terreur en Guadeloupe”. Sicard, Germain. Justice et politique : la Terreur dans la Révolution française. Toulouse : Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 1997. (pp. 317-325) Web. <http://books.openedition.org/putc/11657>.
Ronsseray, Céline, "Entre Ancien Régime et Révolution. La Guyane française au moment de l’introduction du Code Civil", Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, (148), 43–63. https://doi.org/10.7202/1040641ar