Clown Chocolat
Né esclave à la fin des années 1860 à Cuba, le Clown chocolat, de son vrai nom Rafael Padilla, passera de la misère au succès dans le Paris de la Belle Epoque. Personnage marquant de son époque, il inspirera même une expression française : « être chocolat », signifiant être berné. Retombé dans l’anonymat, il meurt oublié en 1917… avant d’être redécouvert 1 siècle plus tard et reconnu comme l’une des premières vedettes noires du spectacle français.
Alors qu’il a une dizaine d’années, Rafael Padilla est acheté par un aristocrate espagnol et envoyé dans une ferme à Bilbao en Espagne. Quelques années plus tard, il s’enfuit de la maison de son maître. Après avoir vagabondé et enchaîné les petits boulots, il devient mineur. C’est dans un bar avec ses camarades de mine qu’il rencontre l’un des clowns les plus influents de son temps : l’anglais Tony Grice. Fasciné par sa carrure et sa force physique, il l’engage comme domestique puis comme assistant pour sa tournée française, où il finit par devenir cascadeur.
C’est ainsi qu’il arrive en 1886 au Nouveau Cirque, l’une des grandes salles de spectacle du Paris de la fin du 19ème siècle, où il est le partenaire de Grice sous le nom de ""Chocolat"", surnom directement issu des stéréotypes de l’époque sur les personnes noires. Repéré par le régisseur de la salle qui lui propose de prendre son indépendance, il rompt avec Tony Grice en 1888. Arrive alors le spectacle auquel il doit son succès : ""La Noce de Chocolat"", un spectacle de mime nautique où la piste se transforme en véritable bassin en deuxième partie. Pendant 5 ans, il est la star du théâtre où il triomphe en tant que chanteur, clown et danseur, en solo ou avec d’autres partenaires. C’est également à cette époque qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse, Marie Hecquet, une secrétaire originaire de Picardie.
En 1895, il fait la connaissance de George Foottit, un clown anglais avec lequel il imagine des sketchs burlesques dans lequel Foottit, le clown blanc, frappe son souffre-douleur noir, Chocolat, dans un spectacle marqué par les préjugés du temps, entre théories racistes et idéologie coloniale. Les deux artistes se produisent devant le tout-Paris distingué et populaire, dans les salons de l’aristocratie parisienne et même à l’Opéra. Célèbre, le personnage de Chocolat inspire les artistes, comme Toulouse-Lautrec, tourne pour les frères Lumière et prête son visage à des publicités. Il reçut la médaille du mérite républicain pour ses spectacles devant des enfants malades, dessinant la figure du clown thérapeute.
En 1910, le duo se sépare. Désormais seul, Chocolat subit la désaffection du public. Il tombe malade, s’éloigne de la scène et tombe dans la dépression et l’alcoolisme après la mort de sa fille âgée de 19 ans. Il meurt le 4 novembre 1917 alors qu'il est en tournée à Bordeaux, et est enterré dans le carré des indigents du cimetière de Bordeaux.
Pendant quelques années au cœur du Paris de la Belle Epoque, il aura été à la fois l’image vivante des stéréotypes racistes de son temps, et un artiste original, pionnier de la visibilité des personnes noires dans la culture occidentale. C’est à ce personnage contradictoire et profondément humain que l’historien Gérard Noiriel a consacré un livre en 2012, puis une pièce de théâtre avec la compagnie Daja, et auquel Omar Sy a prêté ses traits dans le film de Rochdy Zem, Chocolat, en 2016.
Sources d'informations
En savoir plus:
- Gérard Noiriel, Chocolat : la véritable histoire d’un homme sans nom, Bayard, 2016
- La compagnie Daja (spectacle ""Chocolat Blues"") http://daja.fr/index.php?lang=fr
- Le film ""Chocolat"" réalisé par Roschdy Zem, incarné par Omar Sy (2016) https://www.lefigaro.fr/.../03002-20160203ARTFIG00298-le...
https://bibliobs.nouvelobs.com/.../l-esclave-devenu-clown...
- L’histoire de Chocolat en 1 minute : https://www.youtube.com/watch?v=8DEArXBHf10
- L’un des films Lumière de Chocolat : https://www.youtube.com/watch?v=XjHZ_z23BZY