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Disparue le 16 février 1985, la Martiniquaise Paulette Nardal est une journaliste, écrivaine, activiste, professeure d’anglais, marraine de la Négritude et même musicienne, qui est vue aujourd’hui comme une figure majeure de la cause des personnes noires en France et dans le monde.
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La Martiniquaise Paulette Nardal est une journaliste, écrivaine, activiste, professeure d’anglais, marraine de la Négritude et même musicienne, qui est vue aujourd’hui comme une figure majeure de la cause des personnes noires en France et dans le monde.

Née le 12 octobre 1896 en Martinique, Paulette Nardal est l’ainée d’une famille de sept sœurs. Issue d’une famille bourgeoise, elle est la fille de Paul Nardal, dont les parents avaient été esclaves et qui fut le premier Martiniquais noir ingénieur des ponts et chaussées, et de Louise Achille, institutrice et professeure de piano. Elle est élevée dans l’admiration des grandes œuvres de la culture classique occidentale, mais également dans la fierté d’être noire, contre les stéréotypes de l’époque en Martinique.
Après être devenue institutrice, elle part étudier à Paris. Elle est alors la première femme noire inscrite à La Sorbonne, où elle étudie l’anglais et consacre son mémoire de fin d’études à Harriet Beecher Stowe, abolitionniste convaincue et auteure de La case de l’Oncle Tom.

En arrivant dans ce Paris où René Maran est en 1921 le 1er auteur noir à recevoir le prix Goncourt et où bientôt Joséphine Baker va électriser la capitale, elle se dit « heureuse et fière de voir comment les Occidentaux, les Parisiens, les Français pouvaient vibrer devant ces productions noires ». Avec ses sœurs Jane et Anne, elle anime un salon littéraire au 7 rue Hébert à Clamart, dans le sud de Paris, pour promouvoir l’«internationalisme noir».

Toute la diaspora afro-descendante passant par Paris s’y croise : des Français issus de Guadeloupe, Guyane et Martinique comme Félix Eboué, René Maran, René Ménil ou Louis-Thomas Achille (son cousin), des Africains issus des nouvelles colonies françaises comme Léopold Sédar Senghor, et des Africains-Américains comme Langston Hughes et Claude Mac Kay dont Paulette Nardal parle la langue et avec qui elle correspond.

En 1931, après avoir donné une dizaine de papiers au périodique parisien La Dépêche Africaine, l’organe du Comité de Défense des Intérêts de la Race Noire (CDIRN), elle crée avec le médecin d’origine haïtienne Léo Sajous « La Revue du monde noir », une revue bilingue français / anglais qui est le prolongement naturel de son salon, et qui ouvre ses colonnes à la Harlem Renaissance autant qu’aux premiers textes d’auteurs venus des colonies. En six numéros, la revue propose des poèmes, des revues de presse, des articles d’actualité et réflexions sur la place des Noirs dans le monde et dans la société coloniale, dont les textes de Paulette elle-même où elle évoque l’importance de redonner aux Noirs leur fierté ou l’expérience des femmes noires en hexagone.

En 1935, elle se mobilise contre l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie. La même année, elle est la seule femme à signer un article dans L’Etudiant Noir, aux côtés des jeunes Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, alors en pleine invention du concept de Négritude. Théoricienne pionnière d’une conscience noire française, elle sera pourtant effacée de l’histoire du mouvement, même si ses fondateurs lui rendirent quelques hommages discrets - Césaire en faisant apposer son nom sur une place de Fort-de-France, Senghor qui écrira « Elle nous conseillait dans notre combat pour la résurrection de la négritude ».

Revenue en Martinique pendant la 2ème guerre mondiale, après avoir été gravement blessée en tentant de franchir l’Atlantique, elle s’engagera en politique à la Libération, lorsque les femmes obtiendront le droit de vote.
Militante au sein du Rassemblement féminin, elle incite les femmes martiniquaises à user de leurs droits de vote, tout en animant le journal qu’elle a créé, La femme dans la cité.
Après avoir passé 18 mois aux Nations-Unies à New-York, où elle représentera les Antilles à la fin des années 1940, elle se consacrera à la promotion de la musique, sur laquelle elle a toujours beaucoup écrit, dans la ligne de WEB DuBois, en animant une chorale et en popularisant l’art des Negro Spirituals en Martinique. Elle disparaît à 89 ans, en 16 février 1985, après avoir traversé tout le siècle en femme libre et engagée. 

Redécouverte dans les années 2000, elle est désormais réhabilitée comme une figure majeure de la pensée « noire » française, et comme une passeuse essentielle au sein de la diaspora afro-descendante, celle qui a relié la Harlem Renaissance et la Négritude.

Parlant d’elle et de ses sœurs, Maryse Condé a écrit : « Elles ont voulu être des intellectuelles. C’était en fait un domaine réservé aux hommes. Alors on ne leur permettait pas d’entrer dans ce terrain qui les fascinait ».

Une place au nom de Paulette et Jane Nardal a été inaugurée à Paris en 2019. La grande cantatrice Christiane Eda-Pierre, disparue en 2020, était sa nièce.

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Sources d'informations

Pour lire la Revue du Monde Noir (indispensable pour saisir la maturation d’une pensée noire en France dans l’entre-deux-guerres)

Deux portraits de Paulette Nardal :

https://la1ere.francetvinfo.fr/longs-formats-paulette...

https://www.liberation.fr/.../paulette-nardal...

Beaucoup de renseignements peuvent être trouvés sur la famille Achille-Nardal sur ce site internet dédié à la vie de Louis-Thomas Achille cousin et compagnon de route de Paulette Nardal.

Enfin, on trouvera les références les plus détaillées en français sur Paulette Nardal dans la thèse de Eve Gianoncelli : « La pensée conquise - Contribution à une histoire intellectuelle transnationale des femmes et du genreau XXe siècle »

Le livre de Léa Mormin-Chauvac, Les soeurs Nardal. A l'avant garde de la cause noire, éd Autrement, 2024