Mama Africa
Miriam Makeba, aussi appelée « Mama Africa », est une chanteuse sud-africaine, ardente militante anti-apartheid et panafricaine.
Zenzile Miriam Makeba naît le 4 mars 1932 à Johannesbourg en Afrique du Sud. Sa mère, domestique pauvre d’un township (quartier noir) de Johannesbourg, est seule le jour de sa naissance et coupe elle-même le cordon ombilical avant de s’évanouir. Elle prénomme sa fille Zenzile, diminutif d’Uzenzile qui signifie en langue isiXhosa « tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ». Dix-huit jours plus tard, sa mère est condamnée pour avoir brassé de la bière illégalement, elles sont toutes les deux envoyées en prison pendant six mois. De ces premières expériences, en résultera un lien maternel particulier, comme en témoigne sa chanson « Mama been an over » (1975).
Après avoir aidé sa mère à faire des ménages dès l’âge de huit ans, elle s’intéresse au monde de la musique et rejoint en 1952 le groupe vocal Manhattan Brothers. Elle développe une musique qui mêlera le jazz, la pop, les musiques traditionnelles sud-africaines et les genres à la mode dans les townships (le kwela puis le mbaqanga). Alors que, depuis 1948 et l’accession au pouvoir des nationalistes afrikaners, l’Afrique du Sud vit sous le régime de l’apartheid, Miriam Makeba ne pense pas sa musique comme directement politique, mais comme le reflet de son quotidien douloureux sous l'apartheid : « les gens disent que je chante la politique, mais ce que je chante n'est pas la politique, c'est la vérité ».
Mais en 1959, après avoir participé à la comédie musicale King Kong, elle fait une brève apparition dans le film anti-apartheid Come Back Africa de Lionel Rogosin, pour lequel elle se rend en 1959 en Europe et aux États-Unis. En réaction, le pouvoir sud-africain la déchoit de sa nationalité sud-africaine : elle est alors contrainte à l’exil pour trois décennies.
Elle s’installe d’abord aux Etats-Unis, où elle rencontre le succès qui la mène jusqu’au Madison Square Garden où elle se produit devant le président Kennedy. Sa musique gagne une renommée internationale, qui la mène dans les salles les plus prestigieuses du monde entier. En 1966, elle devient la première artiste d’Afrique à obtenir un Grammy Awards, pour son album avec le chanteur, acteur et militant des droits civiques américain, Harry Belafonte. L’année suivante, elle sort « Pata Pata », qui deviendra sa chanson la plus connue.
Désormais pleinement engagée dans la lutte anti-apartheid et pour l’égalité raciale, elle épouse en 1968 l’ancien leader du mouvement des droits civiques rallié aux Black Panthers Stokely Carmichael, le leader du Black Power aux Etats-Unis, tout juste rallié aux Black Panthers. Inquiété par le FBI, le couple s’exile en Guinée où elle va vivre pendant 15 ans, et s’imposer dans les années 1970 comme une figure globale du panafricanisme, chantant pour les grands événements culturels ou politique du continuent. Alors que la répression du régime sud-africain l’a rendue apatride, elle obtient la citoyenneté de nombreux pays du Tiers-Monde – mais aussi de la France, qui lui attribue le titre de Commandeur des Arts et des Lettres et la Légion d’honneur.
Ce n’est qu’avec la fin de l’apartheid en Afrique du Sud qu’elle pourra retrouver son pays, invitée à y revenir par Nelson Mandela tout juste libéré de prison. Elle y poursuit sa carrière et son engagement désormais universellement reconnu pour la tolérance et la fraternité.
Le 9 novembre 2008, alors qu’elle participe à un concert contre le racisme et le crime organisé en Italie, en soutien au journaliste Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra pourchassé par la mafia napolitaine, elle succombe à une crise cardiaque en coulisse, après avoir interprété son titre phare « Pata pata ».
Le jour de sa mort, le président de la république sud-africaine Kgalema Motlanthe décrète un deuil national pour rendre hommage à « Mama Africa », la reine de la musique sud-africaine, l’une des premières superstars globales venue du Sud, qui avec sa discographie riche de plus de trente albums a fait découvrir la musique de son pays au monde entier.
En France, plusieurs lieux portent aujourd’hui son nom, tel que des établissements scolaires à Lille et Aubervilliers, ou encore des rues à Paris et Villeurbanne. De nombreux artistes lui ont rendu hommage, telle la chanteuse française Jain qui lui dédie en 2015 sa chanson Makeba, ou le réalisateur Niyi Coker qui célèbre son histoire en 2016 dans la comédie musicale de Mama Africa, ou encore la chanteuse de jazz Somi, qui a écrit une pièce sur elle, Dreaming Zenzile, en 2021 et a sorti un album hommage l’année suivante, Zenzile: The Reimagination of Miriam Makeba.
Sources d'informations
- « Miriam Makeba, voix de l'Afrique », Hajer Ben Boubaker, France Culture, juillet 2021
- « Miriam Makeba », Unesco (consulté le 02/02/24)
- « Miriam Makeba », Éliane Azoulay, Encyclopedia Universalis (consulté le 02/02/24)
- « Miriam Makeba, les ailes de l'exil », France Culture, mars 2020
- « Ce jour-là : le 9 novembre 2008, Miriam Makeba donne son dernier concert », Pierre Houpert, Jeune Afrique, novembre 2016 (consulté le 02/02/24)
- « The Beat that Beat Apartheid: The Role of Music in the Resistance against Apartheid in South Africa », Anne Schumann, 2008
- « 1967: Zenzile Miriam Makeba », Time, 2020