Mary Prince, née aux Bermudes dans l’esclavage, est devenue la première femme à témoigner de sa servitude dans un livre publié au Royaume-Uni. Son témoignage relança le mouvement pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques.

Mary Prince serait née en le 1er octobre 1788 à Brackish-Pond dans la paroisse de Devonshire aux Bermudes, d'un père bûcheron et d'une mère servante, tous deux en esclavage. Elle a appartenu à plusieurs maîtres au cours de sa vie. Son premier propriétaire, Charles Myners, l’a vendue avec sa mère nommée Sue (Susannah) et ses sœurs au capitaine Darrell, qui "l’offre" à sa petite fille, Bentley Williams, avec qui elle grandit, au début sans se rendre compte de sa condition d'esclave.

A 12 ans, elle est séparée de sa mère et ses jeunes sœurs, pour être vendue au Capitaine John Ingham, qui la fait travailler à la ferme, où elle est maltraitée avec une cruauté inouïe. Elle y subit coups de fouets et tortures pour des "fautes" légères. Elle décide alors de s'enfuir pour rejoindre sa mère. Mais son père la découvre et la ramène chez les Ingham, où les mauvais traitements recommencent.

Elle est ensuite vendue à un homme nommé Robert Darrell, qui la violente et lui impose le travail harassant de la collecte du sel dans les marais salants des Bermudes. Une nouvelle fois vendue, elle devient domestique à Antigua, dans la famille de John Adam Wood et Margaret Wood Junior au service desquels elle restera pendant plus d’une dizaine d’années. Elle rejoint alors la congrégation morave de Spring Gardens à Saint-John, qui délivre une éducation gratuite aux personnes asservies. Elle y apprend à lire, et à la fin des années 1820, elle épouse un Noir libre, Daniel James, sans la permission de ses maîtres.

En 1828, les Wood partent pour Londres, et y emmènent Mary. Là, elle quitte la famille, sans toutefois être formellement émancipée, ce qui veut dire que, si elle rentre à Antigua pour retrouver son mari, elle serait de nouveau mise en esclavage chez les Woods. A Londres, Mary survit comme domestique auprès de Thomas Pringle, un militant abolitionniste qui l’accompagne dans son combat pour la liberté ; devant le refus de Wood de l’émanciper officiellement, il rédige une pétition et la porte devant le Parlement en 1829 pour que Mary puisse retourner aux Antilles en tant que femme libre, mais sans succès.

Thomas Pringle pousse Mary à raconter son histoire pour sensibiliser le peuple anglais à sa cause. Recueillis par Susanna Strickland et édités par Thomas Pringle, ses souvenirs deviennent un livre qui paraît en 1831 : The History of Mary Prince, a West Indian Slave. L’ouvrage est le premier témoignage direct d’une femme sur son esclavage dans les colonies britanniques ; il fait grand bruit, émouvant la population, jusqu’aux parlementaires, et participe ainsi grandement au mouvement qui aboutira à l’adoption de la loi sur l’abolition de l’esclavage de 1833. La loi est très favorable aux propriétaires : elle prévoit une période d’"apprentissage" durant laquelle les 800 000 "nouveaux libres" continuent en fait de travailler sans être payés, pendant six ans (ramenés finalement à quatre années) ; et elle prévoit l’indemnisation des maîtres par l’Etat à hauteur de 20 millions de livres sterling.

Quant à Mary, si on sait qu’elle était encore à Londres en 1833, on ignore si elle a pu ensuite rentrer à Antigua pour retrouver son mari comme elle le désirait, après sa lutte acharnée pour arracher sa liberté. On ne connaît ni la date de sa mort, ni l’endroit où elle est décédée.

Par son témoignage poignant, elle a donné une voix à toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont été enfermés dans une vie de servitude dans les colonies britanniques, et dont la souffrance a longtemps été tue par le pouvoir colonial.

Aujourd’hui, sa mémoire continue d’être honorée aux Bermudes : le 18 juin 2012, durant la journée nationale des Héros, jour férié dans l’archipel, elle a été désignée comme "héroïne nationale" et depuis 2020, le premier lundi d’août est déclaré férié et baptisé Mary Prince Day dans l’archipel.

En France, le témoignage de Mary Prince a été adapté pour la scène par la comédienne Souria Adèle, qui la fait revivre dans le spectacle Mary Prince où elle tient seule en scène le rôle de cette femme courageuse, témoin essentielle des réalités de l’esclavage dans les Caraïbes.

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