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JS Alexis
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Genre
Homme
Naissance
1922
Décès
1961
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Neurologue, écrivain, homme politique, Jacques Stéphen Alexis incarne l’une des grandes voix haïtiennes du 20ème siècle, compagnon de plume de Césaire et Senghor et résistant avec le peuple d’Haïti contre la dictature duvaliériste qui l’assassinera en 1961.

Jacques Stéphen Alexis est né aux Gonaïves en Haïti le 22 avril 1922, il est un descendant de Jean-Jacques Dessalines, le père de l’indépendance d’Haïti.

Il entre en littérature dès l’âge de 18 ans, publie un essai sur le poète surréaliste haïtien Hamilton Garoute en 1940, puis collabore aux revues haïtiennes Le Caducée ou Cahiers d’Haïti, et cofonde La Ruche en 1942, un journal littéraire d’opposition dédié au renouveau littéraire et politique en Haïti.

Fils de Stéphen Mesmin Alexis, historien, diplomate et écrivain, Jacques Stéphen Alexis s’engage en politique comme l’une des figures du mouvement étudiant associé à la grève générale de ladite "Révolution de 1946", qui mène à la chute du gouvernement d'Élie Lescot. Libéré de prison, son diplôme de docteur en médecine en poche et contraint à l'exil, il part pour Paris où il se spécialise en neurologie à La Salpêtrière et s’attelle à son premier et plus célèbre roman. Là il se lie avec Louis Aragon et les auteurs du courant de la Négritude : Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Son roman, Compère Général Soleil, salué dès sa parution en 1955 comme un chef-d’œuvre frôle le Prix Goncourt ; il retrace le massacre des travailleurs haïtiens de la canne en 1937 en République Dominicaine, dont il dévoile la logique totalitaire. Il participe au IerCongrès mondial des écrivains et artistes noirs réunis à la Sorbonne en 1956, aux côtés notamment d’Aimé Césaire et de Richard Wright, où, au nom des artistes et intellectuels haïtiens, il développe sa contribution intitulée Du Réalisme merveilleux des Haïtiens. Il s'oppose aussi de toutes ses forces au trivial clivage "noiriste" de la sanguinaire dictature de Duvalier. La publication, en 1957, de son deuxième roman, Les Arbres musiciens, le consacre définitivement.

Neurologue en exil, il livre d'autres contributions cruciales à la littérature de La Caraïbe : son troisième roman L'Espace d'un Cillement en 1959, poursuit un cycle de "réalisme social" dans l'œuvre fauchée d'Alexis. Il rédige aussi le Manifeste de la Seconde Indépendance et cofonde le Parti d'Entente Populaire (PEP), parti d'union et d'opposition démocratique à la dictature, qu’il représente à Moscou en décembre 1960 où il cosigne la "Déclaration des 81".
En quête d’alliances et d’appuis politiques, début 1961, il est reçu à Pékin par Mao Tsé-Toung, qui salue en lui une intelligence puissante et une tête politique. Débarqué clandestinement le 22 avril 1961, sur la côte nord-ouest d'Haïti, près du Môle Saint-Nicolas, il est trahi, attendu par quelques miliciens et exécuté sur le champ dans des circonstances jamais éclaircies, puis secrètement enseveli sur place avec ses compagnons. Il avait 39 ans. Pour autant, la dictature ne parvient à effacer ni son œuvre fulgurante ni même son message politique d’union qui continuent de rayonner aujourd’hui.

Internationalement reconnu pour sa nouvelle définition proprement caribéenne d’un réalisme merveilleux, dans une langue splendide, son œuvre virtuose tisse le baroque et l’imaginaire populaire pour dire les épreuves et les espérances d’un peuple démuni et exploité, fort et courageux, en un style unique qui sait échapper au prêche édifiant ou moralisateur dicté par le réalisme socialiste de l’époque.

À titre posthume, en 2018, Jacques Stéphen Alexis reçoit le premier prix littéraire Jean d'Ormesson pour son ultime roman publié en 1959 : L'Espace d'un cillement, second volume d’une trilogie interrompue. Son œuvre est constamment enseignée et étudiée à l'Université en France, dans La Caraïbe, en Afrique francophone et aux États-Unis. Traduit dans une vingtaine de langues, son legs fascine et aimante les écrivains du 21ème siècle : un gisement continu qui fait basculer le roman haïtien dans une modernité toute neuve, un jalon majeur de la littérature caribéenne au 20ème siècle indispensable pour comprendre les rapports d’inégalité d’une société marquée par son Histoire, qui se vit contrainte d’acquitter d’une "dette d’indépendance" auprès de l’ancienne puissance coloniale à partir de 1825, et ne parvient pas à transcender les stigmates du système colonial et esclavagiste qui la fondent.

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