Le 20 octobre 1988, Jacques Rabemananjara* reçoit le Grand Prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Connu pour être l’un des pères de l’indépendance de Madagascar, comme parlementaire français, militant emprisonné puis ministre du gouvernement malgache indépendant, il était également un grand écrivain, poète et dramaturge.
Créé en 1986, le Grand Prix de la Francophonie a été initié par un don du gouvernement canadien à l’Académie Française, abondé par le Gouvernement français, la Principauté de Monaco, le Royaume du Maroc, et diverses donations privées. Il récompense « l’œuvre d’une personne physique francophone qui, dans son pays ou à l’échelle internationale, aura contribué de façon éminente au maintien et à l’illustration de la langue française ».
Jacques Rabemananjara est né en 1913 à Madagascar. Toute sa vie, il a oscillé entre politique et littérature, l’une inspirant l’autre. C’est à 22 ans qu’il se lance en politique, en participant à la Revue des jeunes de Madagascar, dans laquelle s’exprime une aspiration nationale malgache, alors que l’île fait encore partie de l’Empire colonial français. En parallèle, il commence l’écriture de poèmes, et se lie au grand poète malgache Jean-Joseph Ravearivelo, dont il devient le confident et qui verra en lui son successeur.
Il arrive à Paris 1939, ville dans laquelle il effectuera sa licence de Lettres classiques en Sorbonne avant de publier un recueil de poèmes (Sur les marches du soir, 1942). Il fréquente également les figures du mouvement de la Négritude dans la capitale, Leopold Sedar Senghor, Aimé Césaire, Alioune Diop, avec lesquels il participe à la création de la revue Présence Africaine. Parallèlement, il s’engage en politique, en devenant en 1946 l’un des fondateurs du MDRM (Mouvement Démocratie de la Révolution Malgache). Élu député la même année, il est arrêté en mars 1947, lors du soulèvement sanglant de Madagascar, et condamné aux travaux forcés à perpétuité à la suite d’une machination du pouvoir colonial destinée à décapiter le MDRM.
C’est donc au bagne de Nosy Lava (île au large de Madagascar) qu’il écrira du théâtre (« Les dieux malgaches"", 1947) et son chef d’œuvre, « Antsa », poème en forme de chant d’amour pour sa patrie malgache, lors d’une nuit où il croit devoir être exécuté le lendemain. Le texte sera sorti clandestinement de la prison et c’est alors qu’il est toujours enfermé que Présence Africaine le publie en France, préfacé par François Mauriac.
A sa libération, il renoue avec ses activités culturelles et politiques en participant aux deux Congrès des écrivains et artistes noirs, à Paris en 1956 et à Rome en 1959, tout en continuant de militer pour l’indépendance de son pays. Il rentre à Madagascar en 1960, quand le territoire accède à l’indépendance, pour y devenir député, puis ministre d’État et enfin vice-président jusqu’à la révolution de 1972. Il retrouve alors la France et l’écriture, et décède à Paris le 2 avril 2005.
Le Président François Hollande lui rendra en novembre 2016 l’hommage de la République Française dont il avait été le député et qui l’avait emprisonné pendant 9 ans pour ses idées, lors d’un déplacement officiel à Madagascar. Figure méconnue de la Négritude, premier écrivain non européen à recevoir le Grand Prix de l’Académie Française, poète et homme d’Etat, Jacques Rabemananjara épouse par son destin toutes les complexités et les contradictions du 20ème siècle colonial et post-colonial.