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Adelaide Tablon
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Genre
Femme
Naissance
1836
Décès
1902
Activité
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Adélaïde Tablon est une paysanne guyanaise symbole de la résistance des populations rurales du territoire contre le pouvoir colonial en 1890.

Elle naît en esclavage le 4 juillet 1836 sur l'habitation « La Gabrielle » à Roura en Guyane française, où sont cultivées des plantes destinées à l’exportation telles que le coton, les clous de girofle, le roucou et la canne à sucre. Sa mère, Amélie 2è (deuxième), est en esclavage et son père inconnu.

Le 10 août 1848, l’abolition de l’esclavage décidée à Paris par le gouvernement provisoire entre en vigueur dans la colonie de Guyane. Agée de dix ans, Adélaïde apparaît pour la première fois sous le nom de « Tablon » sur le registre des nouveaux libres du quartier de Cayenne. 12 252 personnes ont ainsi été libérées ; aucune d’entre elles n’est indemnisée pour les années passées en servitude. La loi du 30 avril 1849 ne prévoit de dédommagement que pour les 1 096 anciens propriétaires esclavagistes du territoire.

Après le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851, le gouvernement affirme le rôle de la Guyane comme colonie pénitentiaire, en y créant le Bagne de Cayenne, où le Second Empire déportera plus de 20 000 prisonniers de droit commun et plus de 300 prisonniers politiques.

Si la Troisième République naissante ne renonce pas à envoyer des prisonniers en Guyane (en instituant notamment en 1885 le régime de la relégation pour les délinquants multirécidivistes), elle porte également l’espoir d’une égalité républicaine entre les citoyens. Après avoir créé un conseil général élu au suffrage universel, le gouvernement divise le territoire de Guyane en communes par le décret du 15 octobre 1879.

Mais les effets de la mise en œuvre de cette mesure sont rapidement critiqués par le pouvoir colonial, notamment dans les communes dites rurales, formées par l’agrégation des anciennes habitations esclavagistes hors de Cayenne. En 1888, le conseil départemental de Guyane décide la suppression des conseils municipaux de toutes les communes du territoire, à l’exception de Cayenne, une mesure confirmée par un décret de 1889, qui ne sera appliqué par les autorités qu’en avril 1890. Lorsque les nouveaux administrateurs nommés sont envoyés pour remplacer les conseils municipaux élus, la révolte éclate.

C’est à ce moment qu’Adélaïde Tablon se fait connaître, sans doute parce que l’aîné des trois enfants de cette paysanne de Roura, alors âgée de 52 ans, est lui-même conseiller municipal de la commune, et donc touché par la mesure du gouvernement. Elle participe aux manifestations et est arrêtée pour s’être opposée aux gendarmes venus rétablir l’ordre. Jugée à Cayenne, elle est condamnée et emprisonnée. Dans d’autres communes de Guyane des troubles similaires sont signalés, auxquelles participent également des femmes.

D’après l’histoire orale qui s’est transmise localement, Adélaïde Tablon aurait alors marqué son opposition symbolique à une répression coloniale convoquant pour ses victimes le souvenir de l’esclavage, en décidant de marcher nue et enchaînée jusqu’à la prison, et en refusant les habits que la femme du gouverneur lui aurait proposés pour se couvrir le corps. Après cet épisode, les municipalités rurales de Guyane seront réinstituées en 1892, et les faits lés aux événements de 1890 amnistiés en 1900. Adélaïde Tablon décède le 5 mars 1902, à Roura.

Paysanne ayant connu l’esclavage, femme révoltée contre l’arbitraire du pouvoir colonial et fière prisonnière, l’image que la mémoire populaire a retenue d’Adélaïde Tablon en fait un symbole de la lutte pour la liberté et l’égalité en Guyane, désormais officiellement célébré par les autorités locales. Après l’inauguration le 10 juin 2008 de la statue « Les marrons de la liberté » à Rémire-Montjoly (à côté de Cayenne), une représentation de la résistance des esclaves guyanais marrons, le rond-point sur lequel le monument est bâti est renommé l’année suivante « Adélaïde Tablon » par le Conseil Général de Guyane. C’est désormais à cet endroit, qui réunit les mémoires des combattants et combattantes guyanaises de la liberté et de l’égalité avant et après l’abolition de l’esclavage, que se réunissent chaque année la population et les autorités pour commémorer l'abolition de l'esclavage le 10 juin.

Dans les années 2000, le mouvement indépendantiste guyanais redécouvre la figure d’Adélaïde Tablon, recueille les témoignages oraux de ses descendants et organise des manifestations en sa mémoire. Un comité « Adélaïde Tablon » est créé en janvier 2009 afin de réhabiliter son souvenir. En 2022, l’autrice guyanaise Françoise James-Ousénie dédie une pièce de théâtre à Adélaïde Tablon intitulée « Adé La majorine de l’Oyack », une fiction romancée inspirée de la vie de la révolutionnaire guyanaise, inspirée d’archives de son procès.

Sources d'informations

Sur la Guyane après 1848 :