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Pauline
©FME
Genre
Femme
Naissance
1697
Décès
1765
Activité
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Pauline Villeneuve

Pauline, aussi appelée Pauline Villeneuve, est une femme guadeloupéenne du 18ème siècle dont le combat victorieux pour se libérer de l’esclavage à Nantes a soulevé des débats juridiques sur la situation des esclaves dans le royaume de France.

Elle naît en esclavage en Guadeloupe en 1697. Sa propriétaire, Madame Villeneuve, la met en pension en janvier 1714, chez les bénédictines du couvent de Notre-Dame du Calvaire à Nantes. S’il n’est pas inédit d’envoyer ainsi une personne esclave en métropole, il est à cette époque peu commun de la confier à une institution religieuse, la plupart restant attachées au service domestique de leur propriétaire.

En 1715, désirant reprendre Pauline, Mme Villeneuve fait face au refus de la jeune femme qui souhaite rester au couvent où elle a trouvé sa vocation. Alors que, théoriquement, son statut d’esclave lui interdit de disposer de son destin, elle reçoit le soutien de sa congrégation : dans les registres du couvent, l’acte de réception au noviciat de Pauline le 26 janvier 1715 n’évoque pas son statut d’esclave, et Mme Villeneuve y est qualifiée de « famille » et non de propriétaire.

Déterminée à récupérer celle qu’elle considère comme son bien, Mme Villeneuve tente de faire valoir ses droits sur Pauline devant le tribunal de Nantes, en se basant sur le Code Noir qui régit les rapports entre personnes libres et personnes esclaves dans les colonies françaises. Mais elle n’obtient pas gain de cause, et Pauline est admise à prononcer ses vœux en janvier 1716, ce qu’elle fait le 7 juillet 1716, sous le nom religieux de sœur Pauline Rose de Sainte Thérèse.

La victoire juridique de la jeune femme souligne l’imbroglio juridique que représente à partir du 18e siècle la présence de personnes au statut d’esclave sur le sol du royaume de France.

En effet, cette situation de fait heurte le principe très ancien du « sol libre » par lequel toute personne esclave foulant le sol de la France métropolitaine devient automatiquement libre. Ce principe résulte de l’Edit du 3 juillet 1315, par lequel Louis X le Hutin a aboli le servage sur le territoire royal. Lorsque le « Code Noir » est adopté par Louis XIV en 1685 pour réglementer la pratique de l’esclavage dans les colonies françaises, celui-ci ne s’applique pas en métropole, contre les vœux des colons qui réclament que le principe du « sol libre » ne s’applique pas à leurs esclaves lorsqu’ils sont en métropole. C’est ainsi que l’intendant Michel Bégon demande dès 1704 que le traitement juridique des personnes esclaves soit le même des deux côtés de l’Atlantique.

En 1716, Gérard Mellier, subdélégué de l’intendant de Bretagne et futur maire de Nantes, s’alarme des conséquences du jugement favorable à Pauline, et plaide dans un mémoire pour une extension du Code Noir à la métropole. Ses revendications seront partiellement satisfaites le 25 octobre 1716, par un édit royal qui autorise la venue en métropole de personnes en esclavage, sous réserve que leurs maîtres en obtiennent la permission des Gouverneurs Généraux, et que leur séjour soit limité à 3 ans maximum. La rédaction du texte est un viol caractérisé du principe du sol libre : « Les Esclaves Negres, de l'un et de l'autre sexe, qui seront conduits en France par leurs Maîtres, ou qui y seront par eux envoyés, ne pourront prétendre avoir acquis leur liberté sous pretexte de leur arrivée dans Royaume, et seront tenus de retourner dans nos Colonies, quand leurs Maîtres le jugerons à propos ». Pour cette raison, l’édit est rejeté par le Parlement de Paris, qui refuse de ratifier l’application de l’esclavage sur le sol de France, mais il est accepté par ceux de Bretagne et d’Aquitaine, où les intérêts coloniaux sont importants.

Quant à Pauline, elle demeurera pendant plus de 50 ans dans sa congrégation à Nantes, où elle décède le 3 novembre 1765 âgée de 69 ans, après y avoir passé une vie de prière, d’étude et de travaux manuels. Elle y avait acquis le statut de « Vénérable mère », signe que ses origines ne l’ont pas empêchée de progresser dans la hiérarchie de son ordre.

Un quart de siècle après le décès de celle dont le combat victorieux avait suscité en réaction l’édit royal de 1716, le principe du sol libre sera rétabli par la Révolution Française, en 1791, avant d’être de nouveau suspendu ensuite par Napoléon en 1802, puis réaffirmé par Louis-Philippe 1er en 1836, et enfin d’être élargi à toutes les colonies françaises en 1848 lorsque l’esclavage est définitivement aboli par la IIe République.

L’histoire de Pauline a été redécouverte en 2021, à l’occasion de la grande exposition « L’abîme » du musée du Château des ducs de Bretagne de Nantes sur la participation de la ville au système esclavagiste, grâce au livre que la directrice scientifique du musée, Krystel Gualdé, lui a consacré : 1716 Pauline une esclave au couvent.
 

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