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Nat Turner
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Genre
Homme
Naissance
1800
Décès
1831
Activité
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Le 21 août 1831, Nat Turner, un prédicateur noir en esclavage, déclenche en Virginie l’une des plus grandes révoltes serviles de l’histoire des Etats-Unis. Sa fin tragique en a fait un symbole de la résistance à l’esclavage, et une inspiration pour de nombreux activistes et artistes jusqu’à nos jours.

Nat Turner est né dans l’esclavage le 2 octobre 1800, dans le Comté de Southampton en Virginie. Comme de nombreuses personnes partageant sa condition, il passe de maître en maître au gré des ventes ou des successions. Mais sa force et sa différence est d’être parvenu à apprendre à lire et écrire. Sa lecture passionnée de la Bible le convainc de devenir prédicateur, ce qui lui permet de se déplacer d’église en église pour prêcher l’Ecriture. Mystique, il entend des voix, cherche des signes dans les phénomènes naturels et se persuade qu’il a une mission divine à accomplir : délivrer ses frères et sœurs de l’esclavage.

1831 est pour lui l’année décisive : en février, il pense recevoir un appel de Dieu dans le ciel – une éclipse solaire. C’est pour lui le signe qu’il faut commencer à préparer la révolte. Grâce à son charisme il rassemble autour de lui un groupe d’esclaves décidés. Initialement planifié pour le 4 juillet, jour de fête nationale aux Etats-Unis, le soulèvement débute finalement dans la nuit du 21 août 1831. Pour impressionner le pays, Nat Turner est résolu à employer la violence. Avec ses disciples, il tue son maître et la famille de celui-ci, puis va de plantation en plantation, où ils assassinent en tout plus d’une cinquantaine de personnes, hommes, femmes, enfants, et libèrent les personnes qui y sont esclaves.
Ce n’est que deux jours plus tard que les autorités parviennent à faire cesser les attaques, qui a répandu l’effroi dans toute la région. L’attaque convoque en effet le souvenir de la révolution haïtienne, trois décennies plus tôt, et de son issue fatale pour les colons blancs. Arrêtés, les rebelles sont capturés, jugés et exécutés. Après une cavale de plusieurs semaines, Nat Turner sera lui-même arrêté en octobre et exécuté le 11 novembre 1831, dans la ville de Jerusalem en Virginie. Les meurtres d’esclaves se poursuivront encore pendant des mois, alors que le pouvoir blanc cherche à rétablir son emprise. En Virginie comme dans d’autres Etats esclavagistes, des lois sont votées pour criminaliser le fait d’apprendre à lire et écrire à une personne réduite en esclavage.

Mais le souvenir de la révolte de Nat Turner ne s’effacera pas. En 1832, un avocat blanc, Thomas Ruffin Gray, publie le témoignage qu’il aurait recueilli de sa bouche après son arrestation sous le titre « Les confessions de Nat Turner ». Même si ce texte est marqué par le biais esclavagiste de l’avocat, il reste une source exceptionnelle sur les événements de Southampton et la source principale sur le désormais célèbre prédicateur.

C’est sur cette base que, plus d’un siècle plus tard et sur le conseil de James Baldwin, le romancier William Styron écrira une fiction à la première personne également intitulée « Les confessions de Nat Turner ». Son roman sera récompensé du prix Pultizer 1968, mais fera polémique, notamment parce qu’il décrit Turner fantasmant sur le viol d’une femme blanche, ce que rien dans les sources historiques sur le prédicateur ne permet de supposer.
Avec le temps le nom de Nat Turner est devenu un synonyme de la résistance violente à l’esclavage, qu’on retrouve cité dans les textes de nombreux musiciens et rappeurs américains. En 2016, ce sera le réalisateur africain-américain Nat Parker qui se saisira lui aussi de l’histoire de Nat Turner, en adaptant sa biographie dans un film où il jouera lui-même le prédicateur et qu’il intitulera « The Birth of a Nation », en référence à la superproduction pro-KKK du même titre de DW Griffith (1915).
Mais ni les suppositions romanesques de William Styron, ni le portrait moins tourmenté que Nat Parker donne du révolté de Southampton ne sauraient épuiser l’énigme que constitue sa vie et son équipée de 1831. Mystique, meurtrier, révolté, le Nat Turner historique reste un personnage complexe et opaque, aux intentions largement indéchiffrables.

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