Reine Nanny
Nanny fut une légendaire cheffe des marrons de la Jamaïque.
Nanny serait une femme du peuple Ashanti, née dans l’actuel Ghana vers l’année 1686. On ne sait pas précisément comment elle est arrivée dans la colonie britannique de Jamaïque, par la traite atlantique ou en état de liberté, comme l’affirment certains récits de la tradition orale des Marrons.
Sur place, elle aurait rapidement rejoint les communautés de Nègres marrons qui vivaient libres dans les Blue Mountains, la plus grande chaîne de montagne de la Jamaïque, à l’est de l’île. Ces communautés étaient formées par d’anciens captifs africains qui étaient parvenus à s’enfuir des plantations esclavagistes, voire dès leur arrivée, et qui pour certains s’étaient unis aux populations autochtones Tainos et Arawaks. Avec son frère Quao - dans la culture des Marrons, le terme ne doit pas être entendu au sens strictement familial - elle va prendre la tête d’un de ces groupes, tandis que d’autres de ses frères, Accompong, Cudjoe et Johnny vont eux aussi devenir des chefs locaux.
Ensemble, ils mèneront à partir de 1720 une efficace guérilla contre les troupes coloniales britanniques. Nanny et Quao parviendront à s’assurer le contrôle d’un territoire des Blue Mountains bientôt connu sous le nom de Nanny Town, 500 acres (2,4 km²) où ils font vivre une communauté de plusieurs centaines de personnes, repoussant sans cesse les attaques britanniques.
Cheffe militaire redoutable, Nanny aurait aussi été dotée de pouvoirs spirituels sur sa communauté. Les documents de l’époque évoquent en effet la présence parmi les Marrons de l’est de l’île d’une « femme Obeah », référence à des cultes magiques répandus en Afrique de l’Ouest. Sous sa conduite, les membres de la communauté de Nanny Town sont ainsi parvenus à vivre une vie de liberté, avec des pratiques proches de celles des peuples africains dont ils étaient issus.
Une source contemporaine des événements, le Journal of the Assembly of Jamaica du 29 et 30 mars 1733, indique qu’un esclave noir au service des Britanniques dans la première guerre contre les Marrons, le Capitaine Sambo, aussi connu sous le nom de William Cuffee, aurait « tué Nanny, la femme rebelle Obeah ». Mais d’autres documents, ainsi que la tradition orale des Marrons, font vivre Nanny jusque dans les années 1750, bien après la fin de la guerre avec les Britanniques, qui se conclut en 1739-40 par la signature de traités avec les chefs marrons survivants, notamment Cudjoe, le plus célèbre d’entre eux. La tradition orale dit que Nanny aurait pour sa part refusé de signer un traité, qui imposait en effet aux Marrons de cesser de libérer les esclaves dans les territoires sous le contrôle britannique.
Avec le temps, l’aura de cette femme à l’existence partiellement légendaire n’a cessé de grandir, pour devenir l’incarnation de la résistance des populations noires de Jamaïque à l’esclavage et à l’ordre colonial. En 1976, elle est déclarée héroïne nationale, la seule femme du Panthéon de la Jamaïque, et son image, noble et altière, figure aujourd’hui sur les billets de 500 $ du pays. On trouve à Moore Town, cité de l’intérieur de la Jamaïque dont les habitants descendent directement des Marrons du 18ème siècle, un monument, la Bump Grave, qui représente la tombe de Nanny, « cheffe indomptable et experte des Marrons du Windward qui a fondé cette ville ». Les traditions des communautés rebelles y sont toujours vivantes : encore aujourd’hui, les musiciens de la région jouent de l’abeng, une trompe fabriquée dans une corne qui était utilisée pour communiquer à l’époque des guerres contre les Britanniques.
Sources d'informations
Pour en savoir plus :
- Sur les guerres et les sociétés des marrons après les traités :
Sivapragasam Michael, After the Treaties: A Social, Economic and Demographic History of Maroon Society in Jamaica, 1739-1842, Thèse d’histoire, University of Southampton (2018).
- Article de Libération sur Nanny.
- Sur Cudjoe, la biographie mise à disposition par la Fondation