Al Pouessi

La statue de Al Pouessi dite Modeste Testas installée sur le quai Louis XVIII à Bordeaux honore une femme africaine qui travailla en esclavage pour des négociants bordelais, les Testas, avant d’être affranchie et de mourir à 105 ans à Haïti.

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Modeste testa
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Née vers 1765 en Afrique orientale, probablement en Ethiopie, elle s’appelait Al Pouessi. Elle a été capturée avec sa mère dans une razzia en revenant d’un pèlerinage, et sera conduite en Afrique occidentale dans le cadre des traites intra-africaine, puis déportée à Jérémie à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), pour y être réduite en esclavage dans la demeure des frères Pierre et François Testas, tous deux propriétaires d’une sucrerie et de maisons dans la colonie.

Achetée vraisemblablement entre 1778 et 1781, elle est alors renommée Marthe Adelaïde Modeste Testas après son baptême et prend donc le nom de ses maîtres. Selon un schéma courant dans les sociétés coloniales esclavagistes, qui associait à la servitude la disponibilité sexuelle des femmes réduites en esclavage, elle deviendra la « concubine » de François Testas, avec qui elle aura plusieurs enfants. Elle ne sera affranchie qu’à la mort de ce dernier le 13 juillet 1795 à New-York, où il l’avait emmenée après avoir quitté Saint-Domingue.

Par testament, François Testas lui enjoignit d’épouser son homme de confiance Joseph Lespérance, qu’il avait affranchi avec elle. Elle fit , aux Etats-Unis, un procès à ses héritiers légitimes pour récupérer ses terres. Ils se marièrent et retournèrent à Saint-Domingue où Testas leur avait légué des terres. Ils eurent plusieurs enfants. Modeste Testas s’éteignit en 1870 à Jérémie (Haïti), à l’âge de 105 ans.
Quelques années plus tard, l’un de ses petits-fils, François Denys Légitime deviendra brièvement le président de Haïti, entre 1888 et 1889.

L’érection d’une statue en l’honneur de Modeste Testas était l’une des 10 propositions faites par la commission sur la mémoire de l’esclavage et de la traite que la municipalité avait constituée afin d’améliorer la visibilité de ce passé à Bordeaux, qui fut entre le 17è et le 19è siècle le troisième port négrier français, après Nantes et Le Havre. Elle fait suite à l’installation en 2005 sur la rive droite de la Garonne d’un buste de Toussaint Louverture, don de la république de Haïti à Bordeaux. L'inauguration de la statue de Modeste Testa, le 10 mai 2019 par le maire de Bordeaux Nicolas Florian, a marqué une nouvelle étape dans le long travail mémoriel engagé par la ville sur son passé esclavagiste.

L’auteur de l’œuvre, le sculpteur haïtien Woodly Caymitte dit Filipo, a choisi de la représenter à hauteur d’être humain, sous la forme d’une statue d’1,70m directement posée sur le sol, en haut d’un petit escalier de trois marches donnant sur le fleuve.

Le 14 septembre 2021, les Bordelais ont eu la surprise de découvrir la statue et sa plaque explicative à moitié recouvertes de plâtre blanc, une dégradation condamnée. En fait, l'acte d’un étudiant qui souhaitait réaliser un moulage de la statue. La ville a tenu toutefois à rappeler « le caractère inviolable des monuments et œuvres d'art présents sur l'espace public et le strict respect qui leur est dû, en particulier ceux honorant la mémoire de victimes de crimes contre l’humanité ».

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