Héva est une femme marronne de la Réunion, compagne du marron Anchaing avec lequel elle forme le couple le plus célèbre des contes et légendes autour de la mémoire locale du marronnage à l'esclavage.

Si on ne sait rien d’elle sur le plan historique, les récits oraux puis littéraires qui l’évoquent situent son existence dans une période indéfinie de l’île Bourbon au 18ème siècle, à l’époque où se développe l’esclavage de plantation dans l’île, alimenté par la traite issue des côtes malgaches et africaines.

Mais la géographie de cette île montagneuse - avec à l’intérieur des terres de nombreux endroits inaccessibles - facilite le « grand marronnage », c’est-à-dire la fuite définitive des personnes réduites en esclavage. Au cours du 18ème siècle, c’est un véritable « royaume de l’intérieur » qui se constitue dans les cirques et les plis de ses reliefs, où vivent des communautés de marrons à l’écart du système esclavagiste.

Mais cette contre-société émancipée n’est pas sans contact avec la société coloniale : les grands marrons font parfois des raids dans les habitations pour se ravitailler, et les autorités de la colonie lancent régulièrement des opérations de répression, sous la conduite notamment de François Mussard.

C’est dans ce monde entre violence et liberté qu’aurait vécu Héva. Selon la légende, elle grandit en esclavage sur une plantation avec son mari Anchaing et tous deux décident de s’enfuir à la suite de sévices perpétrées par son maître sur la jeune femme. Le couple gagne alors le cirque de Salazie où ils vivront de longues années, auront 7 à 8 filles qui, grâce à leurs mariages, leur permettent de nouer des alliances avec d’autres communautés de grands marrons de l’intérieur : deux d’entre-elles épousent des chefs marrons, Samagavole qui devient membre d’un conseil de chefs marrons ainsi que Marianne qui s’unit à un chef malgache du nom de Cimendef.

Si Anchaing apparaît dans la littérature écrite dès 1839, sous la plume du poète Auguste Lacaussade dans son poème Les Salaziennes, l’existence d’Héva n’est évoquée que dans les récits plus tardifs de Louis Véry, d’Auguste Vinson (Salazie ou Le Piton d'Anchaing en 1888) ou de Daniel Honoré. Héva y est toujours porteuse à la fois de la force du lien d’amour qui l’unit à Anchaing, et du projet émancipateur des communautés marronnes du « royaume de l’intérieur », dont la toponymie de La Réunion conserve le souvenir, puisque de nombreux lieux portent le nom de figures de marrons, à l’instar du piton d’Anchaing qui à 1 356 mètres domine le cirque de Salazie.

Aujourd’hui, la figure d’Héva représente une forme d’essence de la femme réunionnaise, libre et rebelle, que reflète l’ouvrage de 1991 de Clélie Gamaleya Filles d'Heva. Trois siècles de la vie des femmes à La Réunion, et tant le couple qu’elle forme avec Anchaing que sa figure elle-même sont désormais honorés par de nombreux gestes mémoriels inscrits dans le paysage de l’île, à travers des œuvres d’artistes comme Gibert Kain et Marco Ah-Kiem ou des noms de lieux comme la médiathèque Heva de la commune de La Procession.

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