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Un antiraciste au 19ème siècle

Joseph Auguste Anténor Firmin, dit Anténor Firmin, est un homme politique et intellectuel haïtien antiraciste. Considéré comme le premier anthropologue noir, il est le précurseur d’une science de l’homme libérée de l’idéologie de la suprématie blanche.

Il naît le 18 octobre 1850 au Cap-Haïtien, dans une famille modeste. Ce bon élève devient enseignant à 17 ans puis inspecteur des écoles de la circonscription du Cap-Haïtien. Il fonde le journal « Le Messager du Nord », dans lequel il conteste la persistance dans la société haïtienne du préjugé de couleur hérité de la colonisation et de l’esclavage. Engagé politiquement en faveur la démocratie libérale, Anténor Firmin échoue à devenir député en 1879 ; les soubresauts de la vie politique troublée de son pays l’obligeront jusqu’à la fin de sa vie à alterner entre responsabilités officielles à Haïti et périodes d’exil à l’étranger, principalement en France et à Saint-Thomas, une île des Antilles danoises (aujourd’hui les îles Vierges des Etats-Unis).

C’est lors d’une de ces périodes d’exil en France qu’Anténor Firmin est admis à la Société d’Anthropologie de Paris, en juillet 1884. Alors que les personnes noires y étaient plutôt traitées comme des sujets d’étude, lui parvient à s’y faire accepter comme un membre à part entière, grâce à sa qualité d’homme politique issu d’un pays, Haïti, dont les habitants passaient pour être les plus « civilisés » des Africains, selon les stéréotypes de l’époque en France.

La Société d’Anthropologie de Paris développe à cette époque la craniométrie, qui prétend prouver la supériorité intellectuelle des personnes blanches sur les populations non blanches colonisées, en s’appuyant sur la comparaison des tailles, du volume, de l’angle facial ou de l’indice nasal de leurs crânes. Ces travaux s’inscrivent dans le courant de la « science raciale » qui depuis la fin du 18ème siècle, dans le contexte de la première abolition de l’esclavage et des revendications d’égalité des personnes noires et métisses dans les colonies européennes, s’efforce en réaction de fonder scientifiquement l’existence des races humaines et la supériorité de la « race blanche ».

L’un des principaux propagandistes de cette idéologie est l’essayiste et romancier Arthur de Gobineau, auteur de l’ouvrage Essai sur l'inégalité des races humaines, paru en 1855. Lorsqu’Anténor Firmin entre à la Société d’Anthropologie de Paris, l’ouvrage de Gobineau vient d’être réédité à Paris, à un moment où l’idée de l’inégalité des races est couramment mobilisée par les dirigeants de la 3ème République lancés dans la conquête coloniale. En juillet 1885, Jules Ferry affirme ainsi à la tribune de la Chambre des Députés que « les races supérieures […] ont le devoir de civiliser les races inférieures ».

C’est dans ce contexte qu’Anténor Firmin publie De l'égalité des races humaines. Anthropologie positive (1885). Son ambition est moins directement scientifique (il affirme dans sa préface ne pas être un savant) que politique, en proposant une compilation de réflexions dénonçant les discours racistes dans les sciences humaines occidentales, notamment l’anthropologie, et en cherchant à en prouver l’inanité à travers une réfutation par l’exemple. Il démontre notamment comment Paul Broca, figure emblématique de l’anthropologie et de la craniométrie, a falsifié ses résultats pour appuyer les théories de la hiérarchie raciale.
 
A l’appui de son projet, il utilise l’histoire de son pays, en rendant hommage à l’action des hommes noirs remarquables qui ont mené sa révolution et conduit la colonie jusqu’à l’indépendance, tels que Toussaint Louverture, Capois, Dessalines. Ce faisant, Anténor Firmin veut faire de son livre non seulement un plaidoyer en faveur d’Haïti, mais aussi un instrument d’éducation et de libération et un ferment de l’égalité et de liberté pour tous les individus infériorisés par le système colonial : « Puisse [ce livre] inspirer à tous les enfants de la race noire, répandus sur l’orbe immense de la terre, l’amour du progrès, de la justice et de la liberté ! »

Anténor Firmin regagne ensuite Haïti, où il est nommé en 1889 ministre des Finances et des Relations extérieures d’Haïti, un poste dont il démissionnera deux ans plus tard, non sans avoir activement contribué à moderniser la gestion du Trésor haïtien, tout en rejetant les tentatives d’ingérences étrangères, notamment des Etats-Unis qui veulent prendre pied sur l’île. Il passera ensuite les vingt dernières années de sa vie entre Haïti, où il ne parviendra pas à se faire élire président de la République, et l’expatriation, dans des fonctions officielles (il est ambassadeur en France en 1900) ou en exil.

Il s’intéresse alors au panafricanisme et à l’idée d’unification caribéenne alors naissante, tout en ne cessant de mettre en garde son pays contre les visées de son puissant voisin. Les Etats-Unis sont alors en pleine phase impérialiste dans les Caraïbes (à Cuba et Porto-Rico notamment), et finiront effectivement par envahir Haïti en 1915, quatre ans après la mort d’Anténor Firmin à Saint-Thomas, le 19 septembre 1911.

Aujourd’hui, la principale université de Cap-Haïtien porte son nom, symbole de son empreinte durable dans la vie intellectuelle haïtienne. En 2023 à l’occasion du 112ème anniversaire de sa mort, une journée a été organisée à Haïti pour discuter de la lutte pour le respect des droits de l'homme intitulée : « Marchons sur les traces d'Anténor Firmin, le défenseur de l'égalité des races humaines ! ». Le représentant du BOJNUAH (Bureau de l'Organisation des Jeunes pour les Nations-Unies d'Afrique en Haïti), Amos Cincir y a rappelé le travail qu'a effectué Anténor Firmin au niveau national et international pour défendre et valoriser la race noire.

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