Le 4 février 1794
La Convention vote
l’abolition de l’esclavage
Le 4 février 1794
La Convention vote
l’abolition de l’esclavage
Le 4 février 1794, la Convention nationale vote à l’unanimité l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, arrachée par la révolte des esclaves à Saint-Domingue. Cinq ans après le vote de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la République reconnaît enfin outre-mer ses principes universels de liberté et d’égalité.
Pourquoi l’esclavage n’est pas aboli dès 1789 ?
Le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est adoptée. De portée universelle, elle affirme dans son article 1er « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. », un principe qui aurait dû conduire immédiatement à l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, où plus de 700 000 personnes sont maintenues en servitude. Les premiers révolutionnaires sont en effet divisés sur la question coloniale, un enjeu qui met en exergues leurs propres contradictions, et le régime d’exception dans lequel ce système a été installé par l’Etat, depuis la promulgation du Code Noir par Louis XIV en 1685.
Mirabeau et la Société des Amis des Noirs veulent interdire la traite et posent l’abolition de l’esclavage comme un objectif de très long terme, un combat que porte également la révolutionnaire féministe Olympes de Gouges. Mais le jacobin Barnave, l'homme fort de la Révolution en 1790-91, est un soutien du parti colonial, représenté par le Club de Massiac, lobby qui s’est formé dès août 1789 pour s’opposer à l’application de la DDHC dans les colonies. A plusieurs reprises, il convainc l’Assemblée de refuser la citoyenneté aux « libres de couleur » noirs ou métis qui revendiquent au nom des Droits de l’Homme la fin des discriminations qu’ils subissent dans les colonies.
Quel a été le rôle des esclaves ?
« Il n’y a pas eu d’esclavage sans révolte, sans résistance de multiples formes » explique l’historien Marcel Dorigny, spécialiste de la Révolution. Les personnes en esclavage ont eu un rôle décisif dans cette première abolition : c’est en effet leur soulèvement à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), à partir de 1791, qui a permis de renverser le pouvoir esclavagiste outre-mer, et de d’emporter les résistances à l’abolition en métropole. Chaque territoire conserve néanmoins une histoire spécifique, aux issues différentes (abolition de l’esclavage à Saint-Domingue et en Guadeloupe, maintien en Martinique et dans l’Océan Indien à La Réunion et Maurice) : « Il n’y a pas eu de « Révolution française » dans les colonies. Il y a dans chaque colonie française une révolution spécifique, née à l’occasion de la Révolution française, branchée sur elle, mais se déroulant selon ses propres lois et avec ses objectifs particuliers »
La révolte de Saint-Domingue
Saint-Domingue est la colonie la plus prospère de l’époque, les colons blancs y sont très minoritaires et vivent avec une peur constante que les esclaves se mobilisent pour les éliminer, puisqu’ils représentent 90 % de la population de l’île. Mais, s’ils ont pu écraser en 1790 l’insurrection des libres de couleur qui réclamaient l’égalité derrière leur leader Vincent Ogé, ils seront balayés par les esclaves qui se soulèvent dans la plaine du Nord dans la nuit du 22 au 23 août 1791 – une révolte précédée par une cérémonie vaudou quelques jours plus tôt à Bois-Caïman, qui scelle l’alliance des insurgés autour de la célébration des divinités ancestrales africaines. L’insurrection est inarrêtable et deux ans plus tard, Léger-Félicité Sonthonax, le représentant de la République à Saint-Domingue, est contraint de déclarer l’abolition de l’esclavage le 29 août 1793, alors qu’il n’en avait ni le mandat ni le pouvoir, une décision rapidement imitée par son collège Etienne Polverel à l’ouest et au sud.
De Saint-Domingue à toutes les colonies
Suite à la révolte, trois députés de Saint-Domingue nouvellement désignés sont envoyés à Paris pour siéger à la Convention : le Blanc Dufay, le métis Mills, le Noir Belley, représentants des différentes catégories sociales et raciales de la société coloniale de l’époque. Jean-Baptiste Belley, qui était né dans l’esclavage, devient le premier député noir de l’histoire de France. Mais dès qu’ils arrivent en métropole, le lobby colonial parvient dans un premier temps à les faire emprisonner, avant d’être libérés pour rejoindre la Convention.
Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), Dufay y fait le récit du sort misérable des esclaves dans les colonies françaises, en particulier sur l’île de Saint-Domingue dont il est le député, et plaide en faveur de la libération des esclaves dans toutes les colonies françaises : « Représentants du peuple français, jusqu'ici nous n'avons décrété la liberté qu'en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd'hui nous proclamons à la face de l'univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. ». Il mobilise les valeurs de la Révolution et dénonce un travail inachevé. Ce même jour, l’abolition de l’esclavage est votée à l’unanimité et étendue à l’ensemble des colonies. Le texte est d’effet immédiat. Il confère la citoyenneté (masculine) aux anciens esclaves, mais ne prévoit aucune forme d’indemnisation, ni pour les nouveaux affranchis, ni pour les anciens propriétaires.
La Convention envoie des émissaires dans toutes les colonies encore françaises pour y appliquer le décret. L’abolition est réalisée en Guadeloupe et en Guyane, mais pas en Martinique (entre temps envahie par le Royaume-Uni) ni dans l’Océan Indien où les colons mettent en fuite les envoyés de la République. En 1802, Bonaparte réintroduira l’esclavage en Guyane et en Guadeloupe, mais échouera à Saint-Domingue qui prendra son indépendance le 1er janvier 1804 sous le nom de Haïti.
L’abolition de 1793-1794 reste dans l’histoire le seul exemple de révolte servile ayant réussi à renverser complètement le système esclavagiste, et la première réalisation dans une puissance coloniale européenne du programme universel des droits de l’homme et des Lumières.
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