France

En bref

Le domaine sucrier d'Hajangoua est l'un des plus anciens de Mayotte. Des vestiges de l'usine sont encore visibles aujourd'hui à Dembéni, commune dans laquelle il s'implante.

Historique

Fondée dans les années 1850, l'ancienne usine sucrière d'Hajangoua est l'une des premières de Mayotte. Sur un ensemble de 470 hectares, le site accueille la culture de la canne à sucre sur 99 hectares. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, les usines à sucre viennent ainsi profondément transformé le paysage de l'île avec 160 hectares plantés en cannes et les imposantes cheminées des sucrières s'élevant de terre, dans les vallées de Kawéni et Dembéni.
L'ancienne usine se composait de trois chaudières, d'un moteur à vapeur, d'une batterie de Gimart, d'hydroextracteurs ainsi que de trois cheminées, encore en place. La maison de maître a été également laissée en ruine, mais témoigne par son architecture de la grandeur du domaine d'exploitation industrielle de l'époque. Les lieux ont en effet été abandonnés en 1898, après le passage d'un cyclone, puis mise en vente en 1902.

Esclavage et engagisme à Mayotte

Bien qu'édifiée après l'abolition de l'esclavage sur les territoires français, la sucrière d'Hajangoua usait d'une forme d'exploitation très similaire, sous le nom d'engagisme. Mayotte devient française en 1843, alors que les luttes abolitionnistes font déjà rage et mèneront au décret de 1848.

Pour éviter de connaître le chaos similaire de ses colonies plus anciennes, la France impose rapidement l'engagisme : tous les esclaves sont alors affranchis mais soumis à un contrat de travail de 3 à 5 ans dans les concessions pour obtenir une totale liberté. Les agents français devaient ainsi employer des Hommes libres : mais dans les faits, et pour contrer le manque de main d'œuvre, de nombreux travailleurs sont en fait d'anciens esclaves achetés à des négriers clandestins ou dépendant d'un empire colonial pour qui la traite demeure légale.

On leur promettait alors la liberté, en échange d'un engagement sur plusieurs années. Les conditions de travail sont tout aussi dures qu'au temps de l'esclavage, on estime le labeur a des journées de 13h, sans repos ni nourriture, à l'exception du soir avec une ration d'environ 1200 grammes de riz en paille. La confusion entre "esclave" et "engagé" a longtemps persisté dans l'esprit des Mahorais : bien que disposant de droits, les engagés sont issus des mêmes régions que les esclaves (notamment du Mozambique et de Madagascar) et sont pour la plupart, eux-mêmes d'anciens esclaves.

Les duretés quotidiennes et abus des planteurs mènent plusieurs engagés à se liguer et contester jusqu'à l'insurrection ou en grèves afin de contester le régime colonialiste et le travail forcé.

Mémoire

En 2022, l'ancienne usine sucrière d'Hajangoua a été sélectionnée parmi les 18 monuments prioritaires de la mission Stéphane Bern, portée par la Fondation du patrimoine, afin de restaurer et préserver le patrimoine en péril. A l'issu de la campagne, 160 000€ ont été récoltés pour réhabiliter les vestiges de l'usine.
Supervisés par la Communauté d’Agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA), les travaux permettront avant tout de sécuriser et d'entamer des travaux de débroussaillage du site historique.

A long terme, l'intercommunalité envisage d'autres actions de valorisation de l'ancienne usine : afin de "transmettre la mémoire de ce site" (Dominique Marot, vice-président de la CADEMA), la réhabilitation de la voie d'accès est en cours de réflexion, ainsi que la création d'un cheminement piétonnier accompagné d'une signalétique appropriée jusqu'à l'organisation de visites guidées.

L'objectif est ainsi de rendre visible le passé colonial et esclavagiste de l'île, au profit de la population de la commune, de celle de Mayotte toute entière, mais aussi aux touristes pour qui cette partie de l'histoire reste méconnue.

Source d'information

Situation

-12.862130957996, 45.19754406563