Flore Bois Gaillard est une marronne qui mena la révolte des « Brigands » de l’île antillaise de Sainte-Lucie sous la Révolution Française.

Comme souvent lorsqu’il s’agit de personnes en esclavage ayant vécu il y a des siècles, on sait extrêmement peu de choses sur Flore Bois Gaillard. On ne connaît ni sa date ni son lieu de naissance, simplement qu’elle vivait à la fin du 18ème siècle dans la colonie française de Sainte-Lucie, une île des Caraïbes entre la Martinique au nord et Saint-Vincent et les Grenadines au sud.

L’historien local Thomas Ferguson raconte en 1906 « qu’une femme du nom de Flore Bois Gaillard – un nom évoquant l’intrépidité – a été parmi les principaux chefs du parti révolutionnaire » à l’époque de la Révolution Française et qu’elle aurait été « une figure centrale de ce turbulent groupe qui se rendra en 1797 vaincu par les stratégies militaires du colonel Drummond ». Ce dernier dirigeait les troupes anglaises qui cherchaient alors à reprendre le contrôle de la colonie, que le Royaume-Uni avait conquise en 1794 mais dont il avait été chassé un an plus tard.

Ce « turbulent groupe » auquel appartenait Flore Gaillard, dont le camp était situé au lieu-dit aujourd’hui Fond Gens Libres, était désigné par les Anglais sous le nom de « Brigands », et par ses membres comme « l’armée française dans les bois ». Il rassemblait d’anciens esclaves partis en marronnage en masse à l’occasion des troubles nés de la Révolution, des libres de couleur et des soldats français républicains décidés à résister aux troupes britanniques. Menant une guerre de guérilla dans les mornes et les pitons de Sainte-Lucie, les rebelles parvinrent à défaire l’envahisseur, notamment lors de la bataille de Rabot en avril 1795, et à le chasser quelques mois plus tard, avec l’aide notamment de Victor Hugues alors maître de la Guadeloupe républicaine et abolitionniste. Malgré leur résistance acharnée, les Brigands ne purent résister au retour des Britanniques qui reprirent l’ïle en 1797.

Flore Gaillard disparaît de l’Histoire à ce moment. Mais son souvenir ne s’est pas éteint à Sainte-Lucie : Ferguson indique ainsi que le Piton Flore, l’un des sommets de l’île, aurait été nommé ainsi pour lui rendre hommage.

L’historien saint-lucien Robert J. Devaux évoque sa mémoire en 1997 dans son livre They Called Us Brigands – The Saga of St. Lucia’s Freedom Fighters, et Edouard Glissant en fait l’héroïne de son roman paru en 2003, Ormerod. Il y imagine ce qu’ont été sa vie et ses combats, parallèlement à ceux du premier ministre de Grenade assassiné en 1983 Maurice Bishop ; sous la plume de l’écrivain, Flore Gaillard devient une ancienne esclave qui a été violée par son maître, le colon Bellac, qu’elle tue ensuite, rejoignant les Brigands en 1793, qu’elle mène à la victoire à Rabot, avant de mourir exécutée en public après la reprise de Sainte-Lucie par les Britanniques en 1797.

En imaginant une biographie à cette femme dont l’Histoire n’avait presque rien retenu, Edouard Glissant marche sur les traces d’André et Simone Schwarz-Bart, qui avaient fait de même avec Solitude, figure de la résistance au rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe en 1802.

Aujourd’hui, Flore Gaillard est une héroïne nationale à Sainte-Lucie, et elle inspire de nombre d’activistes dans les Caraïbes, qui relisent ses révoltes comme l’association féministe Culture-Egalité fondée en 2013 en Martinique.

Sources d'informations

Sur la guerre des "Brigands", ou “guerre des Bois” de Sainte-Lucie, on peut lire :

  • Robert J DEVAUX, They called us brigands: The saga of St. Lucia's freedom fighters, Sainte-Lucie, 1997.
  • GASPAR David Barry, « La Guerre des Bois. Revolution, War, and Slavery in Saint-Lucia, 1793-1838 », in GASPAR David Barry et GEGGUS David Patrick (dir.), A turbulent time: the French Revolution and the Greater Caribbean, Bloomington, 1997.

Dans la littérature :

  • Edouard GLISSANT, Ormerod, 2003 Paris Gallimard.

Dans la presse

Flore Gaillard, la « Lumina-Sophie » sainte-lucienne, André-Marc BELVON, France-Antilles, 11 décembre 2020.

Aux racines de l’humain, Anne KAPPES-GRANGE, Jeune Afrique, 15 septembre 2003.

 

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