23 août 1791
Début de l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue

23 août 1791
Début de l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue


Le 23 août est la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. L’UNESCO a institué cette journée en mémoire d’un événement qui a bouleversé le monde : le début de la plus grande insurrection servile de l’histoire, dans la nuit du 22 au 23 août 1791 dans le nord de la colonie française de Saint-Domingue. Les conséquences de ce soulèvement seront immenses : impossibles à arrêter, les anciens esclaves obligeront deux ans plus tard le pouvoir colonial à décréter l’abolition de l’esclavage dans la colonie, et finiront par arracher son indépendance complète, sous le nom de Haïti, le 1er janvier 1804.


L’insurrection des 22 et 23 août 1791 est le point d’explosion d’un processus en marche depuis plusieurs années : au début de la Révolution Française, Saint-Domingue compte à peu près 500 000 Africain.e.s et afro-descendant.e.s réduit.e.s en esclavage, dont une large part récemment déporté.e.s d'Afrique (50 000 rien qu'en 1790). Elle est pour le pouvoir français la "perle des Antilles" et la plus rentable de ses colonies. Toute la société repose sur l’esclavage et est traversée par la violence. Les secousses de la Révolution Française vont la faire exploser. Les premières tensions naissent des revendications des personnes noires ou métisses libres mais discriminées par les colons blancs : s’appuyant sur la Déclaration des droits de l’homme, ces « libres de couleur » réclament l’égalité. Les colons blancs refusent et écrasent à la fin de 1790 l’insurrection armée que le libre de couleur Vincent Ogé avait déclenchée à son retour de Paris où il avait sans succès plaidé sa cause auprès de l’Assemblée Nationale.

Des esclaves décident alors de profiter de ces divisions au sein de la classe possédante pour se soulever. Tout commence au Bois-Caïman, dans la nuit du 13 au 14 août 1791 lors d’une cérémonie vaudoue organisée par quelques conspirateurs sous la direction d'un Noir prêtre vaudou nommé Boukman. Les revendications d'abolition de l’esclavage et d’égalité de droits avec les citoyens libres sont alors clairement formulées et font écho au climat agité qui règne déjà sur l’île.

La véritable insurrection est lancée dans la nuit du 22 au 23 août : par milliers, des Noirs révoltés, auxquels se sont joints quelques libres de couleurs, brûlent les plantations et sucreries de Saint Domingue et commencent à tuer des colons blancs. Aux côtés de Boukman, les leaders du soulèvement se nomment Jean-François, Biassou, Jeannot, Toussaint (bientôt connu sous le nom de Louverture). L'opportunité d'affaiblir le pouvoir révolutionnaire conduit localement certains royalistes, ainsi que les Espagnols, maîtres de la partie Est de l'île, à les soutenir. Face à l'anarchie qui se répand, et au risque de perdre la colonie, Paris envoie des commissaires pour reprendre en main la situation.
Mais ils s'avèrent incapables de rétablir l'ordre et le 29 août 1793, le commissaire Léger-Félicité Sonthonax proclame sous sa propre autorité l’abolition de l’esclavage sur l’île. Pour la première fois dans l’histoire du monde, une révolte servile a réussi à imposer l'abolition. La mesure sera généralisée par la Convention le 4 février 1794 à l’ensemble des colonies françaises (sauf la Martinique que les colons ont livrée aux Anglais, et les colonies de l’océan indien qui refuseront de l’appliquer).

A Saint-Domingue, rien ne viendra remettre en cause la « liberté générale » que les esclaves révoltés ont arrachée par eux-mêmes, ni la guerre civile qui se poursuivra entre les factions menées par le métis né libre André Rigaud dans le Sud et par l’ancien esclave émancipé avant 1789 Toussaint Louverture dans le Nord, ni l’expédition envoyée par Bonaparte en 1802 pour renverser Toussaint victorieux de Rigaud, ni la campagne sanglante menée en 1803 par le général Rochambeau. Les troupes françaises sont défaites le 18 novembre 1803 à la bataille de Vertières, et le 1er janvier 1804, le général – qui était né dans l’esclavage – Jean-Jacques Dessalines proclame l’indépendance de Saint-Domingue, et lui redonne son nom d’avant la colonisation, Haïti.

Après l’assassinat de Dessalines en 1806, les vainqueurs de 1804 se diviseront et conduiront à la scission du pays pendant près de quinze ans, tandis que, sous la pression de la France, aucune grande puissance ne reconnaîtra les Etats issus de l’indépendance. Ce n’est qu’en 1825, après avoir accepté de payer l’indemnité imposée par la France de Charles X, que Haïti réunifiée put enfin être accueillie dans le concert des nations.
C’est l’épilogue d'une épopée politique et militaire qui suscita un immense espoir parmi toutes les populations serviles et colonisées de la région, qui fascina les observateurs dans le monde entier et qui continue d'inspirer tous les peuples épris de liberté


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