19 FEVRIER 1788
CRéATION DE LA SOCIéTé DES AMIS DES NOIRS

19 février 1788
Création de la société des amis des noirs


Le 19 février 1788, Jacques Pierre Brissot, Etienne Clavière, Mirabeau et quelques autres fondent la Société des Amis des Noirs, un club dont le projet est de faire abolir l’esclavage, incompatible selon ses membres avec les idéaux des Lumières.
La SAN est créée sur le modèle de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade britannique, fondée l’année précédente et dont elle reprendre le symboles – l’homme noir libéré de ses chaînes – et la devise, simplifiée en « Ne suis-je pas un frère ? ». Elle ne réunira pas plus de 200 membres en tout, ses réunions ne dépassant jamais une vingtaine de personnes, mais elle comptera parmi ses rangs quelques unes des plus grandes figures de la Révolution : outre Brissot et Mirabeau, on y trouvera notamment le marquis de La Fayette et l’Abbé Grégoire, de loin sa figure la plus importante et la plus longuement engagée (puisqu’il reconstituera l’association sous le Directoire, après sa disparition en 1791).

Inspirée par les penseurs anti-esclavagistes tels que l’abbé Raynal et par l’activisme abolitionniste des Quakers anglais, sensible aux contraintes économiques et politiques et réformiste dans son approche, la SAN prônait avant tout l’abolition de la traite, c’est-à-dire de la déportation et du commerce des Africains, en agissant à travers la publication de textes et le travail législatif. Hostiles au principe même de l’esclavage, ses membres en recommandaient l’abolition progressive, à l’issue d’une période d’éducation pour les Noirs censée leur inculquer la culture du travail et les principes de la vie en société.

C’était encore trop pour le puissant lobby des colons esclavagistes regroupés au Club de l’Hôtel de Massiac. Pour eux, l’enjeu était principalement économique, en raison des profits colossaux que le commerce colonial leur permettait de dégager. Ainsi, alors que la position des membres de la SAN était plutôt modérée, ils se virent très tôt taxés d’être anti-français, anticolonialistes, de jouer « les agents de l’Angleterre en vue de déstabiliser la France » et même de chercher à vouloir faire exterminer les Blancs. Alors que les colons dominaient les assemblées révolutionnaires de 1789-1790, les membres de la SAN durent mettre leur programme abolitionniste entre parenthèses, pour défendre les droits des Libres de couleurs, contestés par le parti colonial qui refusaient que des non-Blancs, même affranchis, puissent avoir les mêmes droits de citoyens qu’eux-mêmes.

Cette question suscita des troubles à Saint-Domingue, écrasés dans le sang par le pouvoir colonial (soulèvement de Vincent Ogé en 1790-91), puis une insurrection des esclaves eux-mêmes, le 23 août 1791, qui prit de cours la SAN, qui finit par interrompre ses travaux. Mais ses membres les plus éminents continuèrent leur combat pour l’égalité : en 1793 l’Abbé Grégoire obtint l’interdiction des aides publiques pour les expéditions de traite, et en 1794, sous la pression de l’insurrection victorieuse des esclaves de Saint-Domingue, la Convention adopte l’abolition générale de l’esclavage.

Gradualiste et paternaliste, le combat de la SAN reposait également sur une vision colonialiste de l’action de la France en Afrique et en Amérique, qu’illustrera le nouveau nom de la société, reconstituée pour quelques mois après l’abolition 1794 sous l’appellation « Société des Amis des Noirs et des Colonies ». Selon elle, pour être en accord avec la Déclaration des Droits de l’Homme, il fallait laisser les Noirs en Afrique et leur apporter les techniques agricoles européennes pour avoir une main d’œuvre libre à même d’exploiter pour le compte de la France les sols et richesses du continent, faisant de l’Afrique un « grenier et un marché pour la France » ainsi qu’une terre d’éducation aux idéaux des droits de l’Homme.

Avant-gardiste dans son opposition à la traite et à l’esclavage, la SAN est ainsi également annonciatrice de l’idéologie de la mission civilisatrice de la France qui fondera la deuxième aventure coloniale au 19ème siècle.


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