10 mai 2024 : journée nationale des mémoires de la traite de l'esclavage et de leurs abolitions
La cérémonie
La ville de La Rochelle est collectivité fondatrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et développe tout au long du Temps des mémoires un programme varié d’activités culturelles et mémorielles. Le temps fort de ce programme est l'accueil de la cérémonie nationale.
Cette cérémonie nationale animée par la journaliste Marie-Christine Ponamalé, a débuté à 11h place Aimé Césaire avec :
- Un cheminement musical avec le groupe Disso
- des lectures de textes du poète Aimé Césaire par des élèves du lycée AMEP (Association Martiniquaise d'Education Populaire) de Fort-de-France
- la restitution du travail de l’année sur l’esclave Furcy de La Réunion par des élèves du collège Fromentin de La Rochelle.
- La prise de parole de M. Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et
- Le discours de M. Gabriel Attal, Premier ministre.
- La cérémonie nationale s'est terminée avec un dépôt de gerbe à la statue de Clarisse inaugurée le matin même par la Mairie de la Rochelle
- Chant de la Marseillaise par Nadine Tshilombo.
Cette journée a débuté à 9h30 par une cérémonie locale, avec une déambulation depuis la Plage de la Concurrence jusqu’à l’allée Aimé Césaire en présence de Mme Colette Césaire et du maire de La Rochelle Jean-François Fountaine, qui a dévoilé la sculpture "Clarisse" de l'artiste haïtien Filipo, en hommage aux femmes esclaves, exploitées en tant que nourrices dans les colonies et en métropôle.
Clarisse, née a Saint-Domingue (aujourd'hui Haiti), nourrice esclave, vivant à La Rochelle sollicite en 1793 pour obtenir sa liberté le « Conseil Général de la commune » qui lui ai accordé la m^me année.
La pratique des nourrices était abondamment répandue en France dans les classes dominantes sous l'Ancien Régime. La femme esclave était choisie pour nourrir l’enfant blanc sa maîtresse. Elle devait elle-même avoir un enfant pour allaiter. Sur les habitations dominguoises, les mères nourrices restaient un mois au repos sans travailler avec leur enfant nouveau-né avec un régime alimentaire préférentiel. A partir de 1786, elles reçoivent une récompense (12 gourdes). Au 7e enfant allaité, elles sont déclarées libres.
A La Rochelle, au Musée du Nouveau Monde, un tableau représente une nourrice affranchie et une enfant de colon, Marie-Anne Grellier, peint par Chanteloup en 1718.
La sculpture de Clarisse, commande de la Ville de La Rochelle a été inaugurée le 10 mai 2024 dans le parc , en présence de l’artiste, du maire de La Rochelle, du préfet, de l’ambassadeur d’Haïti en France, de nombreuses personnalités, associations, scolaires et public
Woodly Caymitte, dit Filipo, a été formé par l'Ecole Nationale des Arts à Port-au-Prince. Il a réalisé de nombruses oeuvres en rapport avec l'histoire d'Haiti, mais également en France, notamment la statue de Modeste Testas à Bordeaux.
Cérémonie nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage présidée par Gabriel Attal
Clarisse, affranchie rochelaise, statue mémoire de l'abolition de l'esclavage à La Rochelle
Discours de Jean-Marc Ayrault, Président de la FME
Le Temps des mémoires 2024 :
Résister – survivre, s’opposer, se révolter
Depuis les révoltes dans les colonies espagnoles au début du XVIe siècle jusqu’à celles des Etats-Unis et du Brésil pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, la résistance à l’esclavage a toujours accompagné l’esclavage.
Cette résistance a d’abord été physique : survivre au système inhumain de l’esclavage demandait des qualités de force et d’intelligence que les personnes en esclavage ont appris à développer, y compris dans leurs stratégies d’accommodement pour améliorer leur condition matérielle dans un système qui ne leur faisait aucune place, sinon celle de l’exploitation.
Au-delà de la survie, dès les débuts de l’esclavage colonial, des femmes et des hommes, ensemble ou plus isolés, se sont efforcés de recouvrer la liberté et le contrôle sur leur corps, et de nuire aux intérêts de ceux qui les exploitaient. Ces actes pouvaient être individuels, par le sabotage ou la fuite (marronnage), ou collectifs, quand le groupe se rebelle contre une injustice particulièrement flagrante. De très nombreux écrits d’époque montrent la peur constante que les personnes en esclavage inspiraient aux esclavagistes : peur de l’empoisonnement qui tue bêtes et humains, de la fuite qui désorganise la production, de la violence qui engendre le chaos.
Les violences physiques et psychologiques exercées et codifiées par le pouvoir colonial sont le reflet de ces révoltes individuelles ou collectives qu’elles prétendaient mater. Elles montrent que ces révoltes ne furent pas marginales, mais qu’elles constituaient un constante dans le système esclavagiste colonial, pendant quatre siècles.
Dans certains cas, c’est le système colonial lui-même qu’elles ébranlèrent, comme ce fut le cas à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) sous la Révolution française. La première abolition en France (1794) et la décolonisation dans le monde (indépendance d’Haïti, 1804) sont deux mouvements nés des résistances à l’esclavage.
Evoquer ces résistances, c’est évoquer le combat de toujours pour la liberté et l’égalité de tous les êtres humains, contre l’injustice coloniale et toutes les discriminations fondées sur un racisme, qui à travers l’histoire et sur tous les continents s’est forgé dans la matrice esclavagiste. Ce combat-là est plus moderne que jamais.