Résumés des interventions 

António de ALMEIDA MENDES

L’invention de la traite euro-africaine et le premier système atlantique

Le développement des façades atlantiques et l’implantation des premiers comptoirs dans les îles atlantiques au XVe siècle ont souvent été présentés comme un temps de rupture avec l’économie de la captivité en Méditerranée, un changement de paradigme dans l’histoire de la traite et de l’esclavage occidentaux. La traite atlantique précoce serait ainsi la première étape vers la traite négrière transatlantique, un temps fondateur qui inaugurerait un premier capitalisme associé, déjà, à l’économie sucrière. Or l’étude précise des mécanismes des échanges et des circuits de traite entre l’Europe du Sud, l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest montrent que nous étions alors loin d’une gestion industrielle des flux et des échanges, que cette première traite euroafricaine tenait aussi et surtout de l’économie de voisinage et de partage

Jessica BALGUY, Myriam COTTIAS

Les indemnités du XIXe siècle comme révélateur des organisations économiques et sociales des sociétés coloniales esclavagistes

Cette communication reprendra les résultats d’une recherche menée sur les indemnités au titre de l’esclavage dans l’Empire français du XIXe siècle. Nous présenterons, dans un premier temps, la façon dont les indemnités ont été versées dans les différentes colonies françaises, selon quelles modalités et quelle appréciation de la relation esclavagiste par le gouvernement de la Seconde République.

Dans un second temps, à partir du cas de la Martinique, une typologie des propriétaires d’esclaves sera présentée ainsi qu’une analyse des modalités d’attribution des indemnités. La base de données www.esclavage-indemnités.fr, qui a été constituée dans le cadre du projet REPAIRS et qui sert de base à ces analyses, sera présentée.

Frédérique BEAUVOIS

Indemniser les planteurs pour abolir l’esclavage ?

Le processus abolitionniste dans le Nouveau Monde a duré plus d’un siècle, de 1777 à 1888. Des indemnités sont généralement accordées à ceux qui sont alors considérés comme la partie lésée. Paradoxalement, il ne s’agit pas des esclaves, mais bien de leurs propriétaires.

Si aujourd’hui indemniser les planteurs apparaît comme surprenant – voire choquant –, ce phénomène est présent dans nombre d’abolitions de l’esclavage dans les Amériques. L’objectif de cette communication est ainsi de répondre à la question centrale qui se pose, logique et lancinante : Pourquoi ?

Ulbe BOSMA

Slavery and Dutch Colonial Capitalism in the Indian Ocean and Atlantic Ocean Realm

The Dutch debate on slavery and capitalism is moving along two main tracks. First, the introduction of the commodity chain approach which has shifted the debate from Dutch profits from the slave trade to the impact of the Dutch involvement in Atlantic slave-based commerce and second the increasing attention to the extensive Dutch enslavement practices in the Indian Ocean World (IOW). The most important available sources consist of the Dutch East India and Dutch West India Company records, the colonial records of Suriname, the Dutch Antilles and the Netherlands Indies as well sources of private companies, plantation owners and recently archives of Dutch banks. This material also includes rich data on the impact of the global slave trade on local societies in the America’s, Africa and the OIW.

My own work mainly focuses on various forms of slavery and bondage and commodity production. With regard to my own involvement, I will first argue that Southeast Asia also knew its “Second Slavery” at the end of the Nineteenth-Century, which should be seen in the broader context of massive mobilization of bonded labour for global commodity markets. The second point I want to make is that we need to talk about slavery in a transnational context, a point which can be demonstrated, for instance, by the fact that a substantial part of the sugar produced in Saint-Domingue ended up in the refineries in Amsterdam and Hamburg.

With regard to future tracks for young scholars and students, I would like to share some information about a project, which I am involved in, that uses court records as a qualitative source on enslavement and slavery.

Finally, I would like to briefly present the current project of my institute building an Indian Ocean Slavery Database, a counterpart of the Atlantic Slave Voyages database. This is conceived as an international collaborative project that will offer many themes highlighting the relationship between local and global forms of slavery as well as entanglements between “old and new” slavery.

Jean-François BRIÈRE

Abolition de l’esclavage et indemnité : le cas d’Haïti

Cette communication sera centrée, à la lumière de nos recherches, sur l’engrenage complexe qui a conduit l’État haïtien de l’abolition de l’esclavage au paiement intégral, huit décennies plus tard, d’une indemnité de 90 millions de francs aux anciens colons de Saint-Domingue. Nous examinerons successivement les principales étapes de ce processus sous leur angle économique, en s’attachant tout particulièrement à définir les motivations des gouvernants d’Haïti face aux exigences mouvantes de l’ancienne puissance coloniale.

Nous porterons une attention particulière sur les origines de l’indemnité, sur la place que l’esclavage a pu jouer dans sa définition, sur le rôle du commerce dans les relations entre la France et Haïti, ainsi que sur les raisons qui ont poussé Boyer à accepter l’ordonnance de 1825 et conduit ses successeurs à payer l’intégralité de l’indemnité. Nous passerons en revue les principales sources qui ont été utilisées dans nos travaux et, tout en signalant les récentes avancées historiographiques, nous suggérerons de nouvelles pistes de recherche à ajouter aux chantiers déjà en cours d’exploration.

Trevor BURNARD

Another Great Divergence: British North America, the British West Indies and the Slave Trade

Ira Berlin drew attention years ago to the need to treat slavery not as timeless institution but as a historically contingent set of practices bounded in both time and space. It is advice that scholars of slavery have seldom heeded. Studies of British American slavery and the slave trade, for example, do not consider as sufficiently as they might how the demographic experiences of the enslaved in the British West Indies and British North America began to diverge around 1740. From that decade, the enslaved population of British North America began to experience natural population growth. Slave-owners no longer needed the Atlantic slave trade to maintain their labour forces. By contrast, demographic decline of the enslaved population in the British West Indies, due to harsh working conditions and abysmal standards of living, not only continued but increased.

This situation was manageable for plantation owners due to a vibrant slave trade ‒ upon which the Caribbean plantation system depended. This paper explores the ramifications of this “great divergence” for slavery, the slave trade and emancipation in British America.

Virginie CHAILLOU-ATROUS

Les engagés africains à La Réunion au XIXe siècle : de la captivité à la servitude

Page oubliée de l’histoire du peuplement réunionnais, l’immigration africaine à destination de l’île a pourtant concerné plusieurs milliers de travailleurs. Par le biais de l’engagisme, plus de 34 000 Africains ‒ originaires majoritairement de la côte orientale d’Afrique ‒ ont été introduits à l’île de La Réunion, au milieu du XIXe siècle. Capturés en Afrique, « rachetés » puis « cédés » à un engagiste sur le sol réunionnais, les engagés sont voués à une existence de servitude qui sous certains aspects les rapproche du statut des esclaves.

Cette communication propose d’analyser le parcours migratoire des engagés ainsi que leurs conditions de vie. Il s’agira également de mettre en lumière les difficultés d’accès et d’analyse des sources qui expliquent en partie le silence qui entoure l’histoire des engagés africains de La Réunion mais également les obstacles inhérents à cette histoire singulière.

Paul CHENEY

Le plantation complex moderne à Saint-Domingue : un débat inachevé

Suivant l’analyse classique d’éconocide de Seymour Drescher, plusieurs historiens continuent à souligner la vigueur du système esclavagiste aux Antilles jusqu’à l’abolition d’esclavage. Mais cette interprétation se base sur une analyse à la fois étroite ‒ centrée sur l’habitation sucrière et son produit ‒ et très générale, dépendante des chiffres globales de production. Mais si nous prenons le système dans son ensemble, suivant les caractéristiques du « plantation complex » moderne décrit par Philip D. Curtin, nous découvrons un système fragile et sujet aux crises.

Claude CHEVALEYRE

Dynamiques de traite en Chine (XVIe -XVIIe siècle)

L’histoire des dynamiques de traite à travers l’océan Indien et en Asie prémoderne a fait l’objet d’importantes avancées au cours la dernière décennie. À travers la présentation d’un projet de base de données sur la traite d’êtres humains en Chine, nous rendrons compte succinctement des récentes avancées historiographiques pour ensuite nous intéresser, au travers de quelques exemples, aux marchés du travail contraint que la traite alimentait en Chine.

Anne CONCHON

La corvée au XVIIIe siècle : les déclinaisons d’une forme de travail contraint en métropole et dans les colonies

L’objectif de cette communication est de montrer comment la corvée constitue une institution fondamentalement labile, présentant des modalités différenciées selon les terrains et les contextes de son usage.

Elle constitue une composante essentielle de l’esclavage pratiqué dans les Îles au vent et du servage encore en usage dans l’Europe centrale et orientale, tandis qu’elle s’apparente à une forme de réquisition en métropole et en Nouvelle-France, justifiée comme une contribution en travail et pensée par ses détracteurs par assimilation à la servitude.

Soizic CROGUENNEC

Dettes et créances dans une société esclavagiste (Louisiane espagnole, 1763-1803)

« Carrefour du monde atlantique » pour reprendre l’expression de Cécile Vidal, la NouvelleOrléans et la Louisiane sous domination espagnole dans la seconde moitié du XVIIIe siècle se trouvent prises dans une superposition de réseaux et d’échanges continentaux, caribéens et atlantiques. La circulation de l’argent, et plus particulièrement de la dette, permet une reconstruction de ces dynamiques ainsi que la mise en lumière d’un jeu multiscalaire, depuis les transactions du quotidien, dans le cadre du voisinage, jusqu’aux opérations marchandes d’ampleur transatlantique.

Dans ce cadre, nous allons nous intéresser plus spécifiquement à la place des populations de couleur, esclaves ou libres, dans ce monde de la dette. Principalement objets de transaction dans le contexte de la traite, ces populations deviennent également actrices de ces échanges à mesure que la pratique de la manumission se répand, si bien qu’il n’est pas rare à la fin des années 1790 de voir des mulâtres libres, hommes et femmes, possesseurs de créances. Une approche sociale de la dette doit ainsi permettre de faire émerger un tableau nuancé des relations du quotidien dans une société esclavagiste aux confins des empires français, espagnol et anglo-américain dans la dernière moitié du XVIIIe siècle.

Andreas ECKERT

Le jeu de nombres et les transformations sociales : la traite des esclaves en Afrique

Les recherches sur la traite atlantique et plus récemment sur la traite dans l’océan Indien sont déjà bien avancées. Dans le continent africain au sud du Sahara, les flots d’esclaves ont été déplacés dans des directions diverses, et ceux, qui n’ont pas quitté le continent, très probablement la majorité des esclaves, devaient effectuer des services divers aussi bien dans les régions côtières qu’à l’intérieur.

Cette présentation résume l’état de recherche sur les traites d’esclaves internes et se focalise sur la dimension quantitative et sur les débats concernant les transformations sociales provoquées par la traite.

Babacar FALL

Post liberation slaves and labour shortage in French West Africa (1848 to 1905)

From 1848 to 1905, the French antislavery policy was ambivalent with the issue of freedom papers to slaves and the control of fugitive slaves seeking refuge and liberation in French territories. The proposed paper will analyse the post liberation movement dominated by a massive slaves’ exodus escaping from African chiefs when the French authorities were facing a strong pressure of manpower need for setting the infrastructure of the colonial rule in West Africa. The paper will also shed light on few strategies derived from slavery and deployed to deal with the labour shortage

Céline FLORY

Pour une microhistoire de l’engagisme aux Antilles et à la Guyane françaises

Quatre ans après l’abolition de l’esclavage décrétée le 27 avril 1848, le gouvernement français opte pour l’introduction dans ses colonies d’un grand nombre de travailleuses et travailleurs munis de contrat d’engagement de plusieurs années. Ce système migratoire et de travail, dénommé engagisme, occupe une place centrale dans la réorganisation et la restructuration de ces sociétés post esclavagistes.

À travers la présentation d’une recherche prosopographique en cours portant sur les 1808 engagé(e)s africain(e)s en Guyane française, cette intervention présentera les atouts de cette échelle d’analyse pour saisir la complexité et les ambivalences tant de l’expérience des individus que de cet outil de contrôle qu’est l’engagisme.

Marie HARDY-SEGUETTE

De l’esclavisé au planteur émancipé en milieu caféier aux XVIIIe et XIXe siècles

L’étude de la société caféière esclavisée ou libre de la Martinique appréhende la diversité des composantes sociales de la population martiniquaise de l’époque coloniale. Elle révèle l’existence d’un grand nombre de structures paysannes dépourvues de main-d’œuvre esclavisée, les caractéristiques des ateliers serviles aux dimensions restreintes et les possibilités économiques des populations de couleur libres de naissance, affranchies ou nouvellement émancipées après 1848.

Jérôme JAMBU 

Le travail rémunéré des esclaves antillais (colonies françaises, XVIIe -XIXe siècle). Une porte ouverte sur la consommation et vers la liberté

« Samedis jardin », « nègres à talent », « ressources de son industrie », « dédommagement pour bons soins », « gratification » : les expressions sont nombreuses qui, dans les archives notariales et privées, sous-entendent voire évoquent clairement les possibilités qu’ont certains esclaves d’accéder à différentes formes de rétribution monétaire.

Si le travail contraint est bien connu, le travail rémunéré l’est beaucoup moins, peut-être parce qu’il contrevient à la législation esclavagiste. En effet, alors que les édits de 1685 et de 1724 interdisent aux esclaves de ne rien posséder en propre, le travail rémunéré permet à une partie d’entre eux d’accéder à des biens de consommation courants et à d’autres de thésauriser pour se constituer un pécule dans l’espoir qu’il soit un jour suffisant pour (r)acheter leur liberté. Cette pratique, encouragée par quelques économistes des Lumières et le monde marchand, semble paradoxalement l’être également par une partie des maîtres, particulièrement après la restauration et les troubles de 1802.

Paul LOVEJOY

Capitalism and the Second Slavery of the Jihad States of West Africa

The jihad states of West Africa in the late Eighteenth and Nineteenth-Centuries instituted an era of “second slavery” comparable to the expansion of slavery in the Americas, most notably in Cuba, the southern United States and Brazil. Moreover, the jihad states, especially the Sokoto Caliphate, came to rival the slave societies of the Americas in scale and economic impact.

While the second slavery of the Americas was closely tied to the development of capitalism and an increasingly industrializing world, the economies of the jihad states became increasingly isolated from the global world. The second slavery did not automatically result in the consolidation of capitalism, while restrictions on capitalist development in the jihad states limited the extent of economic development.

Catarina MADEIRA-SANTOS

Marchés d’esclaves et fiscalité dans le royaume du Ndongo (Angola, XVIe -XVIIe siècle)

Cette communication analyse l’histoire des marchés et des routes commerciales du royaume de Ndongo (Angola) en relation avec l’organisation fiscale sur laquelle reposait ce pouvoir centralisé.

L’objectif est de décortiquer les liens entre l’histoire de l’esclavage et l’histoire politique, souvent négligés par l’historiographie, en mettant l’accent sur les agents spécialisés et les procédures administratives engagées.

La documentation portugaise de la période offre une base empirique aussi précieuse que peu explorée pour éclairer ce topos.

Henri MÉDARD

Les pratiques économiques de l’esclavage est africain

L’historiographie de l’Afrique de l’Est a longtemps produit une vision binaire de l’esclavage. Sur la côte de l’océan Indien, des historiens décrivent un esclavage économique construit autour d’un commerce maritime des esclaves globalisé et d’un système local de plantations serviles. À l’intérieur des terres en complément, ils décrivent un système de prédation violent qui arrache les habitants pour les revendre sur la côte. Les sociétés de l’intérieur, païennes, sont présentées par les historiens et les anthropologues comme ne pratiquant pas elles-mêmes l’esclavage ou alors ne pratiquant que des formes bénignes d’esclavage domestique. Cet esclavage interne, par opposition à celui de la côte, ne reposerait pas sur des logiques économiques mais sur des logiques d’inclusion et d’exclusion de la parenté. Il serait nourri d’enjeux de prestige et de fertilité. Cette vision opposait donc un esclavage musulman de l’océan Indien, fortement globalisé, à un esclavage domestique africain et païen local pour lequel le qualificatif d’esclave était souvent disputé.

Depuis trente ans, ce modèle n’a cessé de se complexifier et les barrières de se brouiller. Les facettes sociales de la domination servile sur la côte ont été démontrées. Progressivement, l’importance de l’esclavage (pour le XIXe siècle en tout cas) dans l’intérieur de l’Afrique est réévalué. On découvre (ou redécouvre) un nombre croissant de sociétés africaines de l’intérieur polarisées autour de l’esclavage, c’est-à-dire des sociétés esclavagistes et non juste des sociétés à esclaves (Finley). Puis les études de sociétés africaines qui adoptent un mode de production esclavagiste se sont multipliées. Elles montrent non seulement la diffusion du système de plantation de la côte mais aussi l’invention d’un système de plantation locale.

Ensuite l’analyse des systèmes d’exploitation économique des esclaves évolue et s’autonomise. On redécouvre l’importance du travail des esclaves insérés dans une production familiale à petite échelle, le rôle clef de l’esclavage dans l’épargne, les dettes et la circulation des richesses… Aujourd’hui l’historiographie continue à souffrir de morcellement et de nombreux déséquilibres régionaux. Malgré une ouverture croissante vers les sources en français, en portugais, en italien, en allemand et en arabe, l’historiographie reste cloisonnée et influencée par les sources britanniques. Les études sur les régions côtières continuent à dominer la production historiographique alors même que les sources sur l’intérieur (en particulier en français) sont importantes. L’historiographie reste prisonnière du modèle d’un esclavage musulman et peine à prendre en compte la variété des sociétés africaines et leur incroyable imagination.

Hayri Gökşin ÖZKORAY

Les conditions serviles au travail dans l’Empire ottoman (XVIe -XVIIe siècle)

L’historiographie de l’Empire ottoman n’est pas encore près d’abandonner la dichotomie entre les personnes de condition libre et les esclaves, dichotomie qui se transpose au monde du travail comme étant celle entre le travail libre et le travail servile. Cette vision artificielle n’est pas seulement simpliste, mais elle rend a fortiori incompréhensibles les dynamiques à l’œuvre dans les relations de travail et la mobilisation de la main-d’œuvre sous différents statuts par différents acteurs à commencer par ceux étatiques.

Dans cette communication, je propose de présenter les enjeux de l’étude approfondie des différents degrés de la coercition au travail à travers des exemples de sites, chantiers et activités où l’on trouve une multitude de travailleurs réalisant les mêmes tâches sous différents statuts juridiques et conditions matérielles dans l’Empire ottoman à l’époque moderne (mines, arsenaux, champs agricoles, chantiers de construction).

Dominique ROGERS

État des lieux et perspectives sur la participation des esclaves des Antilles françaises et anglaises aux économies coloniales, XVIIe -XIXe siècle

La communication s’attachera à mettre en valeur la participation des esclaves aux économies coloniales dans le cadre du travail contraint, mais également du travail libre ou semi-contraint.

Elle distinguera ce qui relève des villes et des campagnes, mais aussi du travail pour les particuliers et pour les institutions (Armée, administration et Marine). Enfin, on explorera la question du rôle du travail dans les possibilités de mobilité sociale.

Jean-Pierre SAINTON

Immigrants sous contrat, gens casés et prolétaires ruraux : les modalités du travail dans les domaines sucriers de la Guadeloupe et de la Martinique dans la transition post esclavagiste (fin XIXe -premier XXe siècle)

L’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises (1848) met fin d’un seul coup à la légalité esclavagiste et établit corollairement la citoyenneté pour tous. L’historiographie s’est beaucoup intéressée aux problématiques juridiques et politiques ainsi qu’aux évolutions économiques, mais assez peu aux transformations sociales de la transition post esclavagiste en elles-mêmes. Or, en dépit d’une modernisation de l’économie sucrière qui permet l’émergence des usines centrales, le cœur social de l’ancienne société d’habitation qui nourrit les usines évolue peu. Le stigmate esclavagiste reste prégnant et visible sur la longue durée, notamment dans les modalités du travail au sein du secteur agricole des complexes sucriers.

Des rapports hybrides, qui persistent jusqu’aux années 1960-1970, s’inscrivent dans le salariat mais en empruntant à des formes qui, par bien des traits, s’apparentent à un mode que l’on peut qualifier de néoesclavagiste, construisant ainsi une logique interne des organisations d’un travail captif. La contribution analyse ces différents modalités et agencements du travail (immigrants sous contrat d’engagement, gens casés, colons partiaires, prolétaires ruraux « libres ») sur la base des sources historiques puisées dans les deux îles, ainsi que leurs contextualités successives sur une période d’un siècle, lesquelles permettent de comprendre la longue survie d’une culture économiquement condamnée dans les petites îles antillaises depuis le XIXe siècle.

Guy SAUPIN

Capitalisation dans les élites africaines à partir du commerce atlantique des esclaves (années 1470-années 1870)

Les profits commerciaux dégagés dans un système de troc avec crédit, dans des termes d’échange favorables à l’Afrique, sont investis d’abord dans les équipements (pirogues, magasins, captiveries, outillage), mais principalement dans la captation d’activité humaine pour des services très divers de type économique, militaire, politique et religieux, à travers des statuts variés allant des Africains libres tombés en dépendance, surtout à travers le système de crédit, jusqu’aux esclaves domestiques non exportés.

Cette forme de capitalisation est une conséquence de l’économie politique traditionnelle dans laquelle la propriété de la terre demeure collective et usufruitière, dans une délégation des déités à travers le pouvoir souverain. La transition commerciale n’y change rien, sauf à en exacerber les alternatives vers plus d’exploitation sociale ou d’autonomie émancipatrice et à faire basculer d’un crédit à très court terme dans un endettement à long terme recueilli par les banques européennes ou américaines. L’entrée en colonisation fait basculer dans un autre mode en faisant reposer le commerce sur la propriété privée de la terre.

Cheikh SENE

Politique fiscale et traite négrière : le cas des « coutumes » ou taxes en Sénégambie XVIIe - XIXe siècle

Le fort de Saint-Louis du Sénégal, premier établissement permanent des Français en Afrique construit en 1659, entretient des relations commerciales avec les souverains de la Sénégambie. Ainsi, pour le bon déroulement de la traite, les Européens paient des coutumes aux principaux souverains locaux. Ces accords donnent lieu au versement régulier par les commerçants européens de redevances plus souvent en nature qu’en espèces, régies par des règles plus ou moins stabilisées, à des taux forts variables en fonction des contextes économiques et politiques. Ces redevances dénommées « coutumes » sont versées aux souverains africains et aux différents dignitaires locaux. Elles permettent aux Européens d’avoir le droit à la libre navigation, le droit de commerce et de protection de leurs comptoirs de commerce, marchandises, personnels et logistiques. Elles sont versées soit annuellement soit exceptionnellement à l’occasion de l’ouverture des traites, des visites diplomatiques des directeurs de compagnie de commerce et ont une importance économique, politique et sociale considérable pour les souverains africains.

À travers cette communication, nous comptons retracer l’origine des coutumes pour comprendre leur typologie, leur composition et la façon dont elles sont organisées et acquittées. Nous étudierons également le rôle des coutumes dans l’essor du commerce négrier ainsi que leur place centrale dans les relations politiques et diplomatiques entre les Européens et les souverains locaux.

Alessandro STANZIANI

L’immigration sous contrat à La Réunion et à l’île Maurice (années 1840-1880)

À partir des archives des plantations, judiciaires et de la police, cette intervention propose de discuter des conditions de vie, des obligations, mais aussi des pénalités et de l’usage du droit de la part des immigrés, principalement indiens et africains. Sans doute, les conditions sociales des engagés sont-elles assez misérables, surtout initialement. Cependant, au fil du temps, elles ne cessent de s’améliorer ; ce résultat s’acquiert en partie par les droits octroyés aux engagés, en partie par la possibilité accrue qu’ils ont de les mobiliser, grâce à la concurrence « déloyale » entre les employeurs et aux interventions anglaises.

Stéphanie TAMBY

L’abolition de l’esclavage dans l’Empire britannique et l’indemnisation des propriétaires d’esclaves à l’île Maurice (1834-1844)

La question de la compensation financière pour réparer les torts causés par l’esclavage a longtemps été au cœur des revendications des descendants de personnes mises en esclavage. Ce qu’il faut savoir c’est que la question de la « réparation » a également été source de conflits lors de l’abolition de l’esclavage en 1833 dans l’Empire britannique, mais la pomme de discorde à l’époque était le montant de l’indemnité à verser aux propriétaires d’esclavisés.

Cette communication sera axée sur une étude approfondie de l’indemnisation des propriétaires d’esclavisés à l’île Maurice et des sources archivistiques qui ont été mobilisées et dont les données recueillies ont été transcrites sous forme de base de données.

Vijaya TEELOCK 

Comparative perspective. Variant or sui generis? The plantation economy of Ile de France/Mauritius in comparative perspective with British and French Caribbean islands

Since the plantation studies of the 90’s there have been few studies of the plantation economies of Mauritius which examine its emergence in comparison to the British Caribbean. The question posed years ago of whether Mauritius presents a “variant” of the Caribbean model or a sui generis case has never been answered.

This paper proposes to examine the historiography that has emerged since that period and re-examine the evolution of the plantation economy of Mauritius and attempt to finally answer this question.

Rafaël THIEBAUT

Prix, mortalité et fraude : l’économie de la traite des esclaves dans le sud-ouest de l’océan Indien au XVIIIe siècle

Malgré un récent regain d’intérêt, les études économiques sur la traite des esclaves dans l’océan Indien peinent à rattraper leur retard sur la traite transatlantique. En effet, la complexité des réseaux commerciaux, la question de l’offre et la demande, les modalités de transport et le rôle de la contrebande restent encore largement à explorer.

Dans cette communication, j’analyserai ces éléments au sein du sud-ouest de l’océan Indien aux débuts de la mondialisation du capitalisme. Pour cela, je prendrai comme base ma recherche empirique sur la traite française à Madagascar qui a démontré la migration forcée de jusqu’à 200 000 captifs par voie maritime de la Grande Île aux Mascareignes françaises en moins d’un siècle. Ensuite, dans un contexte plus large, j’étudierai les possibilités d’une recherche à la fois archivistique et quantitative dans une perspective économique