Maxime Toutain est docteur en anthropologie sociale et historique de l’Université Toulouse 2 -Jean Jaurès. Ses travaux portent sur la mémoire de la traite transatlantique et de l’esclavage au sein du monde hispanophone et dans l’anthropologie du fait religieux cubain.
Sa thèse soutenue en 2019, dirigée par Stéphanie Mulot ( Certop, CNRS/Université Toulouse Jean-Jaurès/Université Toulouse 3 – Paul Sabatier) au sein du Centre d’Anthropologie Sociale du laboratoire LISST (UMR 5196) aborde les multiples formes de remémoration de l’esclavage au sein d’un groupe de pratiquants de la santería (religion originaire de Cuba dérivée de la religion yoruba) qui vivent dans une ancienne plantation et dont les rites mobilisent des reliques de la période esclavagiste transmise au fil des générations.
Actuellement ATER au département d’Anthropologie de l’Université de Paris-Nanterre et affilié au LESC-EREA (UMR 7186) ses recherches abordent la mémoire espagnole de l’esclavage dans une perspective transatlantique.
Résumé de la thèse récompensée
Santos parados. Ethnohistoire et régimes mémoriels des maisons de culte du central Méjico (Cuba)
Thèse pour le doctorat en anthropologie soutenue le 14 octobre 2019 à l’Université de Toulouse 2 – Jean Jaurès, sous la direction de Stéphanie Mulot, professeure des universités en sociologie.
En 1846, l’esclavagiste Julián de Zulueta y Amondo du pays basque achète un petit moulin à sucre qu’il baptise Álava où il fait construire un baraquement pouvant détenir jusqu’à 700 esclaves. Certains d’entre eux « fondent » des santos parados, pierres consacrées aux divinités nommées orichas qu’ils enterrent dans divers lieux du baraquement ou conservent auprès d’eux.
Le plus connu de ces esclaves se nomme Ta Jorge, « homme de confiance » du maître qui, lors de la traversée de l’Atlantique depuis l’Afrique de l’Ouest, a gardé avec lui une figurine représentant l’oricha-enfant Elegguá, divinité d'origine yoruba des carrefours et du destin, et son santo parado, la pierre qui contient son aché, c’est-à-dire son énergie.
Aujourd’hui, ces reliques transmises aux descendants de Ta Jorge depuis 6 générations sont au cœur de la ritualité d’une des quatre maisons de culte qui composent le champ religieux de ce batey [zone résidentielle d'une plantation], rebaptisé central Méjico depuis la Révolution de 1959.
Grâce à une enquête ethnohistorique et ethnographique, cette thèse propose une réflexion sur un siècle et demi de dynamiques religieuses cubaines en milieu rural ainsi que sur la relation qu’entretiennent aujourd’hui les pratiquants avec leur passé. Elle montre que, loin d’être remplacé par la santería moderne, le culte des santos parados s’est adapté aux évolutions religieuses de Cuba grâce à de constants échanges entre l’ingenio [la plantation] et son environnement. Ces derniers ont permis l’appropriation par les pratiquants locaux du rituel initiatique du kariocha créant un réseau complexe de parentés rituelles toujours plus dense.
Pour autant, les pratiquants continuent de mettre en avant la parenté biologique pour définir les maisons de culte à travers des mémoires narratives performées par le rite. Ces récits, construits selon un régime mémoriel généalogique, sont corollaires de discours revendiquant à chaque maison une place au sein de la micropolitique locale.
Cette recherche s’intéresse plus particulièrement aux représentations locales du passé servile mises en perspective avec le contexte mémoriel national. Elle met en lumière l’influence des régimes mémoriels macropolitiques nationaux cubains de l’esclavage sur les discours micropolitiques locaux comme sur certaines pratiques religieuses infrapolitiques : les possessions par les esprits d’esclaves.
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