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Coralie de Souza
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Bienvenue à Coralie De Souza Vernay qui a rejoint la fondation en juin 2024 comme Responsable patrimoine et recherche.

Conservatrice du patrimoine, elle anime le réseau Patrimoines déchaînés et participe à l’élaboration de la grande exposition sur l’histoire de l’esclavage portée par la Fondation.
Ancienne élève de l’Institut National du Patrimoine et de l’Institut National des Etudes Territoriales, elle a commencé sa carrière au musée Girodet à Montargis puis à la Mission de Préfiguration du Musée-mémorial du terrorisme où elle a pu développer une réflexion sur les enjeux du traitement par les musées des questions sensibles contemporaines.


Entretien avec Coralie de Souza Vernay
Conservatrice du patrimoine 

 

1. Après votre formation en patrimoine à l’Ecole du Louvre, pourquoi avez-vous tenu à faire plusieurs expériences à l’international ?

Déjà parce que je suis brésilienne et française, j’ai toujours vécu avec cette ouverture culturelle depuis ma naissance. J’ai toujours eu conscience que de connaître intimement une autre façon de faire, une autre façon d’être en se confrontant à des réalités différentes est un enrichissement de tous les instants. Et puis, à voir les musées en France qui parlent du monde, ça donne envie d’aller le voir ! Je crois que l’une de mes expériences les plus fortes a été à Copenhague, à la Ny Carlsberg Glyptotek. J’y allais pour le musée, ses collections, je pensais que ça allait être compliqué avec une culture sociale trop froide, trop loin de mon tropisme latin… Et bien sûr, c’était très différent de mes habitudes, mais cela m’a ouvert à des nouvelles manières de faire : à la fois simples et ambitieuses et avec un vrai respect de chacun. Passionnant !
 

2. Votre dernière expérience était pour le groupement de préfiguration du musée-mémorial du Terrorisme. A quelles questions sociétales ce musée répond t-il ?

Au  musée-mémorial du Terrorisme, le travail s’articule autour de la question de la mémoire et de l’histoire via l’apport d’objets et de la création artistique. Le projet de musée a pour but de s’ancrer dans l’histoire du temps présent et de donner des outils pour se repérer dans ce phénomène complexe qu’est le terrorisme, qui conditionne quand même beaucoup nos vies et nos comportements en société. L’idée est de construire l’histoire et d’informer la mémoire en proposant un rapport à des objets que l’on collecte auprès de personnes concernées à divers degrés par le terrorisme : victimes, proches et entourages, professionnels. Cette idée que, face à ce phénomène, la culture sous toutes ses formes peut être une manière de comprendre et de répondre aux besoins citoyens pour faire une société plus apaisée rejoint bien un des mantras de la Fondation : l’Histoire par la Culture pour la Citoyenneté. Du coup, je crois qu’il y a beaucoup de points communs entre ces deux expériences – l’exploration d’un sujet sensible pour notre société contemporaine par un travail culturel notamment en lien avec les communautés qui se sentent concernées.
 

3. Quelle est votre expérience liée à l’histoire de l’esclavage et de ses héritages ?

Malheureusement, comme beaucoup d’enfants qui ont suivi leur parcours scolaire en France, je n’ai que trop peu entendu parler d’esclavage et de ses héritages dans les salles de classe. Mon expérience sur ce sujet a été plus nourrie par mon vécu, notamment par des visites de sites patrimoniaux au Brésil. Ensuite, lorsque j’ai pu choisir mes sujets d’études, j’ai beaucoup travaillé sur les mythes raciaux brésiliens. D’abord sur l’historiographie du baroque brésilien : alors que la richesse produite sur les terres brésiliennes était pour l’essentiel issue du travail des esclavisés, on ne les met pas au centre de l’histoire, et lorsqu’on évoque les sociétés coloniales, on résume leur situation par une vision édulcorée des rapports entre les colons et les esclaves, présentés comme apaisés. J’ai étudié ensuite comment les monuments sculptés racontent l’histoire dans les rues du Brésil, et j’ai fait le même constat : même absence de la réalité de l’esclavage, même volonté d’écraser cette mémoire par le récit impérial. Finalement cette question a toujours été en toile de fond de mon parcours, y compris professionnel, mais c’est la première fois que j’ai l’occasion de m’y consacrer entièrement et d’en faire le point focal dans mon travail.
 

4. Comment voyez-vous votre mission avec la FME ?

Je vois les choses de deux manières. Il y a d’abord l’idée de soutenir et de donner des outils à toutes les personnes de bonne volonté qui veulent lancer des projets patrimoniaux ou de développement et de diffusion des connaissances sur nos sujets. Il y a plein de bonnes volontés dans des tas d’institutions qu’il s’agit d’aider à rayonner.
Ensuite, il y a l’animation du réseau #Patrimoines Déchaînés : un réseau qui doit être actif et proactif, qui relie les institutions patrimoniales de l’ensemble du pays pour que le sujet de l’esclavage et de ses héritages prenne une place plus juste dans leur programmation et leur travail.  C’est notre histoire commune, elle est partout et elle est trop peu représentée.

Je crois qu’aujourd’hui, il y a beaucoup moins de réticences de principe à aborder le sujet de l’esclavage et de ses héritages, dont l’un des plus prégnants est bien sûr le racisme, qui concerne aussi les lieux de culture et de savoir. Mais il faut parfois un petit coup de pouce pour passer à l’action et aborder le sujet de fond dans des projets qui n’ont pas qu’une portée cosmétique. Ma mission est de fournir ce petit coup de pouce.