France

En bref

Ajaccio n’est pas seulement le lieu de naissance de Napoléon Bonaparte, c’est aussi la ville témoin de la déportation en 1802 de plusieurs centaines d’Antillais, soldats et officiers, hostiles au rétablissement de l’esclavage. Ces hommes et quelques femmes s’épuiseront dans les travaux forcés pour assainir et embellir la ville chère à l’empereur Napoléon Bonaparte. Ils sont hébergés dans le couvent des Capucins à Ajaccio et vivent dans des conditions extrêmement difficiles.

Historique

Chef-lieu de la Corse et ville de naissance de Napoléon Bonaparte, Ajaccio est aussi un lieu de mémoire en lien avec l’esclavage et le travail forcé. En 1802-1803, Napoléon et ses généraux Richepance, Leclerc et Rochambeau déportent des milliers d’Antillais, ayant résisté aux expéditions envoyées en Guadeloupe et à Saint-Domingue pour rétablir l’ordre colonial et l’esclavage. Plusieurs centaines sont ainsi envoyés au bagne d’Ajaccio.

Très peu de sources mentionnent aujourd’hui cet épisode de l’histoire. Toutefois, des documents provenant des Archives Départementales de la Corse du Sud à Ajaccio relatent les faits à travers des correspondances et des listes nominatives.

Déjà entamée à Brest (où près de 1500 déportés étaient arrivés) et à Toulon, la déportation des rebelles antillais commence à s’organiser avec la publication de l’arrêté des consuls du 13 frimaire an 11 (4 décembre 1802) pour en faire des travailleurs forcés, astreints à la discipline militaire, séparés en fonction de leur couleur de peau.

A Ajaccio, et après quelques aménagements rudimentaires, le couvent des Capucins, servira de lieu d’accueil pour les forçats jusqu’à ce qu’ils soient répartis dans les différents ateliers. Engagés dans les travaux des ponts et chaussées, les hommes de couleur reçoivent « 70 centimes, dont 20 de retenue pour linge et chaussures » et seulement « 20 centimes en cas de mauvais temps empêchant le travail ».

En 1803, un rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées décrit leurs conditions de vie : « La 1ere classe est celle des détenus au bagne, ils sont au nombre de soixante- seize, sont logés aux capucins d'Ajaccio où il a été fait quelques réparations pour les y recevoir, sont presque nus parce qu'on ne savait pas quelle était l'administration qui devait les habiller, couchent à terre dans une église extrêmement malsaine et sont nourris aujourd'hui par les Ponts et Chaussées qui leur accordent des rations égales à celles qu'ils recevaient précédemment de la marine et qui consistent en paudin, légumes, huile et vin ; on les emploie en attendant que les travaux des ports acquièrent plus d'activité… »

Au cœur de plans de développement économique, la Corse est alors vue comme une vaste terre à coloniser, ayant besoin de main-d’œuvre. C’est dans ce cadre que des « forçats à la fatigue », dont quelque 500 déportés haïtiens, guadeloupéens et martiniquais sont envoyés pour effectuer divers types de travaux : construction de routes, notamment celle de Corte à Ajaccio, fortification des ports, assèchements des marais, etc. Une minorité est employée comme domestiques, et on en retrouve quelques-uns, en 1808, établis comme tambours de régiment ou artisans. Cependant, les conditions de travail sont tellement difficiles qu’un taux de mortalité élevé est enregistré parmi les déportés dont certains parviennent à s’évader vers la Sardaigne.

Mémoire

Aujourd’hui, le patrimoine de Corse témoigne encore de cette histoire, tels la route d’Ajaccio à Vizzavona qui servit à approvisionner la marine française en mâts de navire, ou le château Baciocchi, appartenant aux descendants de Francesco Bonaparte, et qui fut bâti sur un marécage asséché par des bagnards venus de divers horizons, dont les Antillais résistants au rétablissement de l’esclavage.

Source d'information

Situation

41.9187478, 8.7369053