Tascher de la Pagerie
Joséphine, la Martinique et l’esclavage
Napoléon Bonaparte épouse Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, veuve de Beauharnais, en 1796. Issue d’une famille de békés (colons européens de la Martinique), Joséphine grandit sur une habitation-sucrerie située aux Trois-Ilets. Elle héritera également de plantations à Saint-Domingue, et ne cessera jamais d’avoir des esclaves, jusqu’à sa mort en 1814. Rien, cependant, dans les témoignages de ses contemporains, ni dans sa correspondance ne l’associe formellement au rétablissement de l’esclavage. Pourtant, des historiens haïtiens du milieu du XIXe siècle lui imputent déjà un rôle dans la décision du Premier consul. Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon ne la mentionne jamais à ce propos, pointant plutôt les « criailleries » des colons. Pour les scientifiques, le rétablissement de l'esclavage a obéi à des intérêts économiques et à la force du lobby des planteurs, qui promut le rétablissement de l’esclavage dans les colonies où il avait été aboli, au lieu d’étendre la liberté à celles qui n’avaient pas appliqué le décret de 1794 (la Martinique, les Mascareignes, Sainte-Lucie, Tobago).
La filiation martiniquaise de Joséphine sera utilisée par le Second Empire pour affirmer symboliquement le pouvoir impérial sur l’île et le maintien de l’ancien ordre social, par-delà la commotion de l’abolition de 1848, quand une souscription est lancée pour l’installation d’une statue à son effigie sur la Savane, la plus grande place de Fort-de-France. Inaugurée en 1859, la statue sera déplacée en 1974, puis décapitée en 1991 par des activistes anonymes. Aimé Césaire, alors maire de la ville, la laisse en l’état. Elle sera finalement abattue par des manifestants à l’été 2020, considérée comme un symbole de l’esclavagisme.